Sœur Sourire

Affiche Sœur Sourire
Réalisé par Stijn Coninx
Pays de production France, Belgique
Année 2008
Durée
Musique Bruno Fontaine
Genre Biopic, Drame
Distributeur Océan Films
Acteurs Cécile de France, Johan Leysen, Jan Decleir, Sandrine Blancke, Chris Lomme
N° cinéfeuilles 590
Bande annonce (Allociné)

Critique

«Dominique, nique, nique...» Ceux qui ont aujourd’hui 60 ans et plus se souviennent de cette «meule» (comme diraient les Vaudois) qui fit un tabac en 1963: plus de deux millions de disques vendus pour cette benoîte louange à saint Dominique, instrument zélé de l’Inquisition, grand pourfendeur des Albigeois et autres hérétiques, composée et interprétée par la «nonne chantante».

Pour son second long métrage, le réalisateur belge Stijn Coninx s’est intéressé à la destinée de sa compatriote Jeanne-Paule Marie Deckers, née en 1933. Jeune fille de caractère, active dans le scoutisme et désireuse de devenir missionnaire au Congo, elle se morfond entre une mère autoritaire (Jo Deseure) et un père boulanger trop bonne pâte (Jan Decleir). Refusant la perspective de reprendre le commerce familial, elle profite de sa majorité pour entrer dans un couvent de dominicaines en 1959. Sa personnalité primesautière s’accommode mal de la discipline monastique qui lui a confisqué sa chère guitare, tout en trouvant une certaine complicité auprès de la doyenne des religieuses (sympathique apparition de Tsilla Chelton, moins acariâtre qu’en Tatie Danielle...

Sa vie bascule lorsqu’un prêtre responsable des émissions catholiques télévisées vient tourner un reportage: devenue Sœur Luc-Gabriel et animatrice de retraites pour jeunes, elle attire l’attention par sa chanson fétiche. La mère supérieure accepte que Philips l’enregistre, y voyant un moyen de récolter des fonds pour les œuvres. Sœur Sourire est née, et la vente de son disque pulvérise pour un temps Elvis et autres Beatles.

Refusant l’offre qui lui est faite de rejoindre une mission en Afrique, la jeune femme jette son habit aux orties, se met en ménage avec une amie et se trouve un imprésario pour organiser une tournée au Québec, où elle casse la baraque jusqu’au soir où elle donne en bis sa chanson «La pilule d’or». Scandale, la hiérarchie déchaîne ses foudres, et commence une dérive ponctuée de psychotropes et de tours de chant dans des bouis-bouis. Rentrée en Belgique, rattrapée par le fisc, dénuée de tous moyens financiers, abandonnée de tous, elle finit par se suicider avec sa compagne.

Allant jusqu’à prendre des leçons de guitare et de chant (c’est elle qu’on entend dans les œuvres de Sœur Sourire), Cécile de France donne une interprétation convaincante de cette jeune femme éprise d’amour et de liberté. Si les hiérarques catholiques ne sortent guère grandis du récit, une figure sacerdotale, le Père Jean (Johan Leysen), tranche par son humanité et son empathie. Si la reconstitution des costumes et des accessoires d’époque est soignée, on note quelques anachronismes dans le langage («nul» et «niquer» ne faisaient pas partie du vocabulaire courant, et on ne parlait pas alors d’enfants autistes). A l’heure où les premières chansons style feu de camp de Jacques Brel sont tombées aux oubliettes et où les ecclésiastiques à guitare ne sont plus d’actualité, on peut se demander si le film, de facture très classique, est de nature à intéresser un jeune public. A l’heure de la Star Ac’, il pourrait tout de même être une utile mise en garde contre la fabrication de vedettes éphémères.

Daniel Grivel