Face au juge

Affiche Face au juge
Réalisé par Pierre-François Sauter
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 7 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 590

Critique

FACE AU JUGE a été sélectionné au Festival Visions du Réel 2009. Cet excellent huis clos documentaire nous emmène à la rencontre de prévenus entendus par un juge d’instruction vaudois.

Il aura fallu au réalisateur romand Pierre-François Sauter de nombreux mois de requêtes, attentes, négociations, et une détermination sans faille avec un caractère bien trempé pour mener à terme ce documentaire, «vision d’une réalité sociale brute». Du début de sa préparation en mars 2006 jusqu’à sa sortie en salle en mai 2009, plus de trois ans auront été nécessaires pour que FACE AU JUGE se trouve enfin face au public.

Pour la première fois en Suisse, une équipe de tournage a obtenu l’autorisation de filmer les audiences tenues par un juge d’instruction: entre Yverdon et Lausanne, pendant les cinq semaines de tournage et avec l’accord préalable des prévenus (qui ont accepté d’être filmés à visage découvert), 83 audiences ont été filmées, 11 ont été retenues et «montées».

Face au juge défilent des personnes seules, en couple, en fratrie… Autant de destins particuliers, de tranches de vie livrées ainsi à notre regard. Pas de voyeurisme, d’image-choc, d’affaire scabreuse, d’aveu fracassant ni de sensationnel. Juste la pâte humaine, avec son lot de souffrance, pathologie, dérapage, trop plein ou trop peu, alcool, conflit, séparation, violence, drame, accident, dette, déprime, «pas de chance».

Le regard posé par le réalisateur sur chaque personne est respectueux, plein de pudeur et d’humanité.

Et face à ce cocktail de malheurs qui est son pain quotidien, le juge d’instruction s’efforce juste de faire son métier dans le sens noble du terme: pas de grands effets ni de menaces ou pressions superflues; il cherche simplement à comprendre, tranche quand il le faut, ordonne une mise en détention quand il y est contraint, toujours calme et respectueux. Il sait que lui aussi, comme vous et moi, pourrait être assis «face au juge».

Le film est construit sur une dynamique de dialogues entre juge et prévenus; ces interactions (questions, réponses, silences, regards, gestes) suscitent de l’émotion et impriment une forme de tension dramatique. Nous n’oublierons pas de sitôt le regard plein de désarroi d’une femme qui accepte de reprendre la vie commune…

DELITS FLAGRANTS et 10e CHAMBRE, INSTANTS D’AUDIENCE de Raymond Depardon avaient marqué le genre, mais si vous ajoutez au contexte, à la procédure et au parler vaudois un réalisateur romand, vous avez là un documentaire personnel et indépendant, avec un regard, un style et un rythme qui n’appartiennent qu’à lui. Sans trace de jugement, sans cliché ni préjugé, restent la complexité des situations, l’arrêt sur image de destins suspendus, les émotions et les questions suscitées par ces instants charnières. Et chapeau bas à toutes celles et ceux qui ont accepté de faire confiance au réalisateur et se sont livrés à son regard et au nôtre.

Anne-Béatrice Schwab