Critique
«Lorsque des hommes qui parlent comme moi, qui aiment la même musique que moi, ne sont aucunement à l’abri de devenir des monstres, où puis-je désormais tirer la certitude que j’en suis à l’abri?», s’interroge Max Frisch à Weimar, en visitant Buchenwald, l’un des camps de concentration nazis. Ecrivain et architecte, le Zurichois est considéré comme le dernier intellectuel suisse. Matthias von Gunten lui consacre un documentaire bienvenu, dont l’intérêt pédagogique ne devrait pas échapper aux enseignants.
Ce film affiche une facture des plus classiques, images d’archives et témoignages dont ceux de Henry Kissinger, ancien secrétaire d’Etat des Etats-Unis, et Helmut Schmidt, ancien chancelier d’Allemagne. Où sont les points de vue de personnalités suisses? Ils manquent durement dans le contexte d’un homme qui a constamment remis en question le système helvétique et qui fut surveillé pendant plus de quarante ans, ainsi qu’en a témoigné l’affaire des fiches.
Reste le portrait de Max Frisch et de sa pensée. «Ce qui est déterminant, explique le réalisateur, c’est que les considérations de l’écrivain n’étaient pas seulement politiques, idéologiques ou moralisantes, mais qu’il s’évertuait constamment à les rattacher à un questionnement général sur l’être humain - qu’il testait d’abord sur lui-même.» Le documentaire de Matthias von Gunten a le mérite de nous inciter à relire Max Frisch. C’est déjà beaucoup.
Geneviève Praplan
