Critique
C’est un film à la fois étrange et émouvant. Inspiré par un classique du néoréalisme italien (UMBERTO D., 1952, de Vittorio de Sica) qui l’avait bouleversé au temps de son adolescence, Francis Huster reprend une problématique qui reste hélas d’actualité. Il déclare: «… Rien n’a changé depuis l’époque de Vittorio de Sica: on continue à se débarrasser des vieux et à les abandonner, à refuser d’affronter la vieillesse des autres, la solitude et la mort.» Le scénario est vite résumé. Charles, ancien marin, est mis à la porte de chez son ancienne maîtresse. C’est la rue qui attend Charles - sans ressources, si ce n’est une maigre pension - et son chien. Sa dignité lui interdit de tendre la main.
Ce qui est particulièrement touchant dans ce film, c’est que le rôle principal a été confié à Jean-Paul Belmondo. Après un accident cardio-vasculaire cérébral, «Bébel» a été ignoré du monde du cinéma durant sept ans. Malgré un handicap qu’il assume pleinement, le voici de retour à l’écran. Il avait posé une condition: «… Vous me filmez comme je suis!» Avec ses rides, celles de l’âge et celles de la vie. Un Belmondo à contre-emploi, montré avec la cruauté de l’image et du gros plan, mais aussi avec le respect envers un homme qui accepte la réalité. Charles, avec son chien fidèle, le seul être qui ne l’abandonne pas, a gardé sa dignité et une grande générosité à l’égard des autres. Avec rigueur et sobriété, Belmondo incarne ce personnage dans lequel il se retrouve pleinement.
En hommage à ce grand comédien, Francis Huster a choisi des acteurs de renom pour tenir les petits rôles (voir le générique). Même le chien se montre talentueux. Son regard affectueux porté à son maître est un élément important qui donne un peu de lumière à la grisaille d’une fin de vie.
La séquence finale laisse au spectateur le choix de l’interprétation. Comme le dit le scénariste, est-ce la fin ou le commencement d’une autre vie? Est-ce si différent?
Maurice Terrail