Forteresse (La)

Affiche Forteresse (La)
Réalisé par Fernand Melgar
Pays de production Suisse
Année 2008
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Dissidenz Distribution
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 575

Critique

Au dernier Festival de Locarno, le réalisateur suisse a obtenu le Léopard d’Or Cinéastes du présent, pour ce film qui côtoie avec pudeur les requérants d’asile en séjour au centre d’accueil de Vallorbe.

Il dit que, de toute façon, ils sont nés pour souffrir, eux, les Africains. En Suisse, ils auront peut-être un peu plus de chance. Avec eux vivent des Russes, des Irakiens, des Colombiens, des Kurdes… Ils sont là depuis trois jours, deux semaines, plus. Parfois trop nombreux, ils sont transférés vers les autres centres, en Suisse alémanique ou au Tessin. Ils y auront autant de peine à se faire comprendre; beaucoup d’entre eux ne parlent que leur langue maternelle. Que viennent-ils chercher dans ce pays dont ils ignorent tout? Ils l’expliquent; certains sont convaincants, ils resteront. D’autres, beaucoup plus nombreux, devront repartir.

Fernand Melgar a passé plusieurs mois de l’hiver dernier à Vallorbe, dans le Centre régional d’enregistrement et de procédure qui reçoit les réfugiés autorisés à entrer en Suisse. Ceux-ci y séjournent pendant deux mois au maximum, du jour où ils ont déposé une demande d’asile jusqu’à celui où leur parvient soit un permis N, soit un avis de non-entrée en matière. «Dans la révision de la loi sur l’asile, comme dans la nouvelle loi sur les étrangers, le migrant est d’abord vu comme une menace, un fauteur de troubles, un profiteur dont il faut se méfier», rappelle le réalisateur. «Je voudrais comprendre ce qui attise la peur de l’autre dans ce pays, ce qui nous pousse à verrouiller notre porte.»

LA FORTERESSE n’est pas un film militant, mais le constat d’une réalité méconnue: qui sait comment on vit dans ce centre? Fernand Melgar a observé, écouté choisi ses «acteurs». A partir de là, il s’immerge dans le quotidien et en capte les articulations sans ajouter de commentaires. Sa caméra est exhaustive et objective; elle va partout, montre tout, sans se faire remarquer, sans gêner. Les images sont belles, pourtant jamais elles ne détournent le public du sujet qui se révèle dans sa grande complexité.

Il y a des récits atroces, d’autres contradictoires. On sent de quel poids ils pèsent sur les épaules des auditeurs chargés de les recueillir; on perçoit les doutes, la compassion, l’impuissance de l’empathie. Et puis, malgré l’envie de rester des gens d’ailleurs, malgré la bonne volonté des gens d’ici, il y a ce décalage culturel immense… Un océan… Une séquence en fait la démonstration poignante lorsqu’un groupe d’Africains organisent une «prière pour la Suisse».

LA FORTERESSE se voit comme une fiction, avec ses tensions, son intrigue, sa dramaturgie. Sauf que ces histoires sont vraies et qu’elles recommencent chaque jour. Sensible, pudique, attentif à tous, ce film donne la mesure de l’imbroglio dans lequel se débattent les uns et les autres: rester ou partir? Accepter ou renvoyer?

Geneviève Praplan