24 City

Ce film où documentaire et fiction s’entremêlent avait-il sa place dans la compétition? On pourrait se le demander, n’était un certain nombre d’œuvres du même type au programme du festival (plusieurs de nos éditoriaux se sont déjà interrogés sur cette percée dans la production actuelle). Toutefois, le travail du réalisateur chinois, s’il est celui d’un historien, est bel et bien aussi celui d’un cinéaste qui n’assemble pas ses interviews et ses séquences à la va-vite. Il y a certes beaucoup de plans fixes, mais avec un beau regard porté sur les êtres, et une dramaturgie bien conduite, qui nous montre le démantèlement d’une usine de Chengdu, naguère fabrique ultrasecrète d’armement qui cédera la place à «24 City», vaste ensemble d’appartements de luxe. La population ouvrière, qui logeait dans le périmètre industriel où elle trouvait commerces et écoles (un peu à la manière des usines Michelin à Clermont-Ferrand) va céder la place à la nouvelle bourgeoisie née du boum économique de ces dernières années.

Jia Zhangke laisse s’exprimer des ouvriers de plusieurs générations qui, par leurs propos, racontent mieux que des images spectaculaires l’évolution de la Chine communiste et montrent que des traditions ancestrales - fidélité au travail, respect des outils, honneur aux aïeux - survivent encore (pour combien de temps?) à l’irruption de la modernité. Le contraste est frappant entre les visages burinés des ouvriers et celui de la jeune yuppie stylée à la dernière mode et roulant coccinelle jaune pétant...