Train de nuit

Affiche Train de nuit
Réalisé par Yinan Diao
Pays de production Chine
Année 2007
Durée
Genre Drame
Distributeur Ad Vitam
Acteurs Dan Liu, Dao Qi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 548
Bande annonce (Allociné)

Critique

Histoire de vengeance, celle d'un homme qui retrouve l'huissier de justice et exécutrice de son ex-femme condamnée à mort? Histoire d'amour entre deux êtres meurtris? Histoire d'une quête de femme prête à effectuer chaque week-end un long trajet pour se sortir définitivement de la solitude qui l'oppresse? Polar à la chinoise? Il y a de tout cela dans cette réalisation très travaillée esthétiquement, mais d'une grande froideur, dégagée notamment par le beau visage de Liu Dan. Images sombres (au propre comme au figuré), nappées de bleu, décor urbain hormis l'étonnant site d'une usine à la campagne que le cinéaste traite comme un no man's land où tout peut arriver, le pire comme le meilleur. A suivre.



Serge Molla





Wu Hongyan n’exerce pas un métier comme les autres. Au fin fond de la province de Shaanxi, elle travaille comme greffière de tribunal en même temps que bourreau. Agée d’une trentaine d’années, elle voit beaucoup de femmes de sa génération condamnées à mort pour crimes passionnels. Elle vit seule et, le week-end, pour se changer les idées, elle prend le train de nuit qui la conduit en ville. Dans de minables soirées organisées par des agences matrimoniales, Wu collectionne les aventures amoureuses sans lendemain. Surgit pourtant dans sa vie un homme étrange et qui va exercer sur elle une forme de magnétisme. On apprendra par la suite que cet homme a été marié, que sa femme a été emprisonnée, condamnée à mort et exécutée.

Procédant par ellipses, avare de commentaires, le cinéaste a pris l’option de laisser à chacun la liberté de donner une signification aux différentes séquences qu’il découvre. La structure éclatée du film oblige ainsi le spectateur à faire en permanence un travail de remise en perspective des événements, à partir d’images et de plans fixes où rien n’est laissé au hasard, où les cadrages sont ciselés et réglés au cordeau, les décors et les plans conçus comme de véritables tableaux.

Le réalisateur Yinan Diao - il appartient à la toute nouvelle génération des cinéastes chinois - n’embellit pas la réalité et pose un regard aigu sur les mutations importantes d’une société qui, manifestement et souvent brutalement, fait pression sur l’existence de chaque individu. Avec à la clé une justice qui n’hésite pas à faire usage de la peine de mort.

Misère affective, mal de vivre, peur de s’engager, le tableau de TRAIN DE NUIT est celui de personnages meurtris. Portrait de Wu, le film repose sur les épaules d’une actrice remarquable, Liu Dan, dont le jeu, tout de retenue, est fascinant: tout le tragique de la vie de Wu se lit sur son visage muet, à travers son expression fermée, dans l’amorce de quelques gestes.

Porté par une musique atonale qui évite tout sentimentalisme, TRAIN DE NUIT est un film superbe, silencieux, aux couleurs froides. Un coup de projecteur porté sur la Chine qui ne porte pas à l’optimisme.



Antoine Rochat

Ancien membre