Sicko

Affiche Sicko
Réalisé par Michael Moore
Pays de production U.S.A.
Année 2007
Durée
Musique Erin O'Hara
Genre Documentaire
Distributeur TFM Distribution
Acteurs Michael Moore, George W. Bush, Hillary Rodham Clinton, Richard Nixon, Bill Clinton
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 548
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Palme d'Or 2004, Michael Moore remet ça: il prend le système de santé étasunien dans son collimateur et en dénonce les failles à sa manière. Il commence par une archive, une ""busherie"" sans grand rapport avec le sujet, histoire de mettre les rieurs de son côté. Selon son enquête, 50 millions de ses compatriotes ne sont pas assurés, dont 18'000 meurent chaque année; 250 millions ont encore une caisse-maladie, mais le système de santé est déficient. Il en fait la démonstration en présentant une mosaïque de cas qui se sont présentés à lui suite à de petites annonces. Il fait défiler la liste des affections non couvertes à la manière du générique de LA GUERRE DES ETOILES, musique à l'appui, succès... assuré. La musique joue d'ailleurs un rôle important dans la dramatisation des images, tel l'adagio de Samuel Barber popularisé par APOCALYPSE NOW. De nombreux participants à la vision de presse, conquis d'avance, applaudissaient à ces grosses ficelles, bandes d'archives et inserts taillés sur mesure.

Pour mieux décrier le système étasunien, Moore dresse notamment un tableau idyllique de ceux du Canada, de Grande-Bretagne et de France qui passent à ses yeux pour les meilleurs du monde. Selon une statistique (laquelle? Churchill disait qu'il ne croyait qu'à celles qu'il avait lui-même manipulées...), les Etats-Unis sont au 37e rang dans le monde, entre des pays émergents, et l'espérance de vie infantile serait meilleure au San Salvador.

Un bel exemple de documentaire fabriqué, mélangeant allègrement faits et commentaires, même s'il y a à redire sur le rôle de certains médecins-conseils des caisses-maladie.



Daniel Grivel







Après s’en être pris au lobby des armes à feu (BOWLING FOR COLUMBINE) et à la politique du gouvernement de George W. Bush (FAHRENHEIT 9/11), Michael Moore s’attaque au système de santé américain. Il en révèle les failles, en le comparant aux systèmes français, anglais, canadien et cubain.

Le documentariste américain rappelle que nombre de ses compatriotes - alors même qu’ils ont contracté une assurance santé privée - peuvent se retrouver dans une situation financière très difficile, après un accident ou une opération médicale. Il arrive fréquemment que leur assureur invoque tout à coup des raisons incompréhensibles pour ne pas avoir à payer les factures ou verser les indemnités requises. Certains patients devront s’endetter lourdement, tandis que d’autres mourront faute de pouvoir assumer financièrement les interventions médicales indispensables. Il y a 45 millions d’individus, rappelle Michael Moore, qui vivent aux Etats-Unis sans être au bénéfice d’une assurance santé, et 18’000 qui meurent chaque année, faute de pouvoir financer leurs propres soins.

Pour mettre en évidence les carences du système, le cinéaste part pour le Canada, Londres et Paris. Il y rencontre des médecins, des patients, des compatriotes. A chaque fois, il enregistre leurs commentaires très (trop?) élogieux: les services de santé de ces pays-là sont beaucoup plus humains, plus sociaux, plus performants. Et pour bien stigmatiser l’aberration du système américain fondé essentiellement sur des critères de rentabilité financière, il embarque avec lui une trentaine de malades et de patients de son pays - des «laissés-pour-compte» des assurances, en particulier des secouristes et des sauveteurs volontaires du 11 septembre, aujourd’hui victimes de graves troubles respiratoires - pour Guantanamo Bay, afin qu’ils puissent être soignés «au moins aussi bien que les prisonniers du camp». Refoulés de Guantanamo, c’est à Cuba, pays réputé pour la qualité de sa médecine, qu’ils seront pris en charge. Chacun y trouvera son compte, semble-t-il, tant sur le plan médical que médiatique!

Michael Moore ne prêche pas, mais la rhétorique de SICKO est habile, un peu manipulatrice aussi. Le cinéaste s’appuie sur des archives bien choisies et les chiffres qu’il avance sont effarants. Son enquête - il sait se tenir à distance et laisse parler ses interlocuteurs - est percutante, même si l’analyse s’affiche résolument personnelle et subjective, L’objectif du documentariste est clair et c’est toujours le même: il s’agit de faire réfléchir un public le plus large possible, d’éveiller les consciences et de déranger l’establishment du pays le plus riche du monde. Dans ce but, il choisit les témoignages les plus éclairants, les plus déchirants, et va jusqu’à remettre en question les fondements mêmes des systèmes de valeur de ses compatriotes, sans oublier en passant de fustiger certains élus, de Nixon à Bush, de Donald Rumsfeld à Hilary Clinton.

Michael Moore peint une réalité humaine et reste l’enquêteur de «terrain» que l’on connaît. On lui reprochera sa dégaine et un certain manque de rigueur, des outrances et quelques arguments parfois spécieux, la dramatisation et le montage-choc de plusieurs séquences. Il n’empêche: sa démarche se justifie par la gravité de la situation. On ne peut que lui donner raison lorsqu’il dénonce ce qu’il y a d’inacceptable, sur le plan médical, dans certaines décisions prises par les médecins-conseils des assurances américaines. De même lorsqu’il condamne la priorité donnée, sans le moindre souci d’ordre éthique ou moral, au profit financier. Sans vouloir faire la révolution - c’est aux citoyens de la faire, dit-il -, Michael Moore sait mettre le doigt sur les failles d’un système géré par les grandes entreprises pharmaceutiques et les puissantes caisses-maladie.

Le cinéaste documentariste poursuit aujourd’hui sa campagne, parallèlement aux projections de SICKO, alignant les conférences, les manifestations et les interviews. Michael Moore sait que la question de la santé préoccupe en priorité les Américains et qu’elle risque de devenir un thème important des prochaines élections présidentielles. Depuis la sortie de SICKO en mars dernier, les Américains confrontés à des caisses qui refusent de payer savent qu’il leur suffit désormais de menacer «d’en parler» à Michael Moore pour que les portes s’ouvrent et que les problèmes se résolvent. Qui prétendra encore que le cinéma n’a pas d’influence?



Antoine Rochat"

Ancien membre