Critique
"Apparemment une vie tout ordinaire pour Tracy Heart (Cate Blanchett), jeune femme de 32 ans: elle habite chez sa mère avec son frère dans la périphérie de Sydney. Et travaille dans une vidéothèque qu'elle voudrait racheter pour conduire sa propre petite entreprise. Mais voilà, son passé est un lourd fardeau qui vient sournoisement grever ses velléités de liberté et d'indépendance: elle est une ancienne toxicomane. Elle n'a pas d'argent et on lui refuse un prêt. Elle retrouve occasionnellement Lionel (Hugo Weaving), ami du ""milieu"", ancien footballeur qui, lui, peine à sortir de la dépendance d'héroïne. C'est alors que réapparaît Jonny (Dustin Nguyen), un ex qui l'a quittée il y a quatre ans.
Voici un film au titre énigmatique dont on ressort perplexe au premier abord. Les fils du passé lointain et proche ainsi que ceux du présent s'imbriquent de façon à tisser un filet où la vie peut difficilement avancer, hésite ou étouffe. Le scénario est éclaté et les éléments arrivent par bribes.
Tracy, qui a suivi une cure de désintoxication, s'en est sortie mais semble fragile. Les réminiscences de son enfance et son bonheur de nager pourraient être le viatique contre une rechute menaçante. Dans ce quotidien lourd à traverser, il y a toutes ces relations qu'on a eues autrefois dans le milieu et qui accrochent, collent. Les liens qui sont réactivés ont des racines profondes prenant souvent la couleur de la solidarité, à défaut d'être inspirés par la raison ou la prudence. Le beau Lionel, footballeur dont les photos recouvrent les parois de sa chambre, est devenu un être grabataire, souffrant, vidé, attendant désespérément le shoot qui va le soulager une fois encore, puisque la volonté de s'en sortir ne reste que balbutiement. Tracy n'a pas le cœur de le lâcher. Elle fera ce qu'il faudra. Jonny qui revient va essayer de renouer une relation avec elle. L'amour va-t-il renaître? Par ailleurs, il prétend avoir trouvé un job dans une banque, et sa famille est fière de lui. Un leitmotiv habite chacun: ""Tu es devenu clean, je veux essayer de devenir clean..."" Si certains sortent de la dépendance, ils restent en contact secret avec le milieu pour des raisons qui ne s'avouent pas. D'où ces petits poissons en plastique remplis de liquide bleu que chacun transporte insidieusement, qui traversent les mailles sécuritaires, qui fournissent argent aux uns, instants de paradis infernaux à d'autres.
Le scénario pourrait être ainsi une métaphore sur la difficulté d'un ex-drogué de vraiment s'en sortir. Le milieu de la drogue: une hiérarchie où chacun a besoin de l'autre au-dessus ou au-dessous! Mais surtout une mafia telle une hydre dont on ne peut se défaire. Pourtant, la tête de l'hydre sera tranchée. Avant que celle-ci ne repousse, le sang donnera-t-il vraiment énergie, force et vie à ceux qui tentaient désespérément de fuir la bête? L'eau, le sang, les enfants, les voix d'enfants: des images symboliques semées tout au long du film semblent plaider pour une aspiration vers la sortie de ces filets, vers la vie, vers la lumière.
LITTLE FISH, malgré quelques longueurs, reste un film intéressant, démontrant de réelles qualités de facture, ainsi que le jeu tout bon des acteurs, de Cate Blanchett en particulier."
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