Critique
On est en 1921, dans le manoir des Chatterley, situé en plein pays minier anglais. Constance y coule des jours monotones. Quatre ans auparavant, quelques mois après leur mariage, son mari Clifford a été blessé sur le front de Flandres. Il est handicapé à vie. Au printemps, au cœur de la forêt de Wragby, Constance fera la connaissance de Parkin, le garde-chasse du domaine, qui vit dans une cabane solitaire au fond des bois.
Le film - adaptation fidèle de Lady Chatterley et l'homme des bois, deuxième version du roman de D. H. Lawrence - sera le long récit de la rencontre de deux solitudes, d'un difficile apprivoisement, de la découverte de la sensualité pour elle, et d'un retour à la vie pour lui.
Cet éveil des sentiments, la cinéaste française Pascale Ferran a tenté de le traduire en images, au travers des saisons: l'hiver d'abord, puis la renaissance de la nature printanière, la clarté de l'été et enfin les couleurs des forêts automnales. Le récit est comme enveloppé par une végétation qui joue le rôle de métaphore et accompagne l'héroïne dans son cheminement intérieur. Instants volés d'abord, rencontres régulières ensuite, naissance d'une passion, la route sera longue. Le film l'est aussi, les scènes d'amour sont nombreuses, la transformation de Constance ne peut se faire sans donner du temps au temps... L'héroïne devra réinventer sa vie (comme Parkin la sienne) et faire fi d'un certain nombre de contingences sociales.
Les quatre personnages centraux - Constance, Clifford, Parkin et Mrs Bolton (la garde-malade) - sont remarquablement interprétés. Leur jeu retenu, nuancé, laisse place à l'expression des sentiments intimes. Marina Hands, tout particulièrement, a réussi à porter, avec tact et talent, le rôle romanesque - important - de Constance.
On dira que LADY CHATTERLEY reste en deçà de l'image que l'on se fait du roman de D. H. Lawrence, mais ce qui fit scandale à l'époque (l'Angleterre puritaine des années 20) ne soulèverait guère de vagues aujourd'hui... Le XXe siècle et le cinéma ont passé par là, la psychanalyse aussi. Pas de message complexe donc à décrypter, pas de très grande originalité cinématographique non plus. On reconnaîtra cependant au film de Pascale Ferran des qualités esthétiques (sinon esthétisantes) et une approche du sujet faite, le plus souvent, de délicatesse: la cinéaste a pour le moins réussi à décrire les sentiments amoureux, certains gestes de tendresse en particulier, avec une sensibilité qui se fait assez rare dans le cinéma d'aujourd'hui.
Antoine Rochat