Robert Solyom - Détruire et reconstruire

Affiche Robert Solyom - Détruire et reconstruire
Réalisé par Jaques Dutoit
Pays de production
Année 2005
Genre Divers
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 536

Critique

"Jaques Dutoit, né en 1936, est un lettreux polyvalent: il a enseigné les langues anciennes au Gymnase français de Bienne, est dramaturge, metteur en scène de théâtre et réalisateur avec une belle filmographie à son actif. Dans son dernier long métrage en vidéo, présenté cette année à Visions du Réel (voir CF n. 524, p. 21), il s'est intéressé à son contemporain Robert Solyom, peintre d'origine hongroise qui a fui son pays natal voilà 50 ans pour s'établir à Paris.

Le tournage, qui a duré huit mois, s'est déroulé dans le petit atelier du peintre (25 m2...), avec pour témoin le seul cinéaste et une mini-caméra vidéo. C'est dire que le spectateur se sent tout proche de l'artiste, aux premières loges pour assister à son travail de création.

Solyom a été profondément marqué par les événements de 1956 à Budapest, et sa vision du monde est ténébreuse et chaotique; ses toiles sont hantées par de grands oiseaux noirs menaçants. Par sa caméra très fluide et par un montage ne laissant subsister que la voix du peintre, Jaques Dutoit se fait médiateur humble et respectueux.

Illustré par des musiques judicieusement choisies, le documentaire fascine par sa manière d'appréhender le ""work in progress"". Comme un grand maître-queux, Solyom triture ses couleurs (principalement du noir, du jaune et du blanc) sur des assiettes en carton et les applique sur la toile d'un pinceau très sûr. Alors commence son travail de destruction et de reconstruction: le visage d'abord esquissé se revêt peu à peu de couches et de taches successives, étalées à coups de chiffon et appliquées au doigt. Le peintre est littéralement en tête-à-tête, en face-à-face avec son sujet qui évolue au gré de coups de mine de plomb et de grattages - il est d'ailleurs intéressant de passer certaines sections du DVD en accéléré...

Le résultat, à nos yeux, n'est pas une œuvre torturée mais longuement mûrie - cent fois sur le métier... Les commentaires de Solyom sur l'autoportrait, et plus particulièrement sur la manière de Rembrandt, apportent un éclairage bienvenu.

De la belle ouvrage, aussi bien sur la toile que sur l'écran."

Daniel Grivel