Qui était Kafka?

Affiche Qui était Kafka?
Réalisé par Richard Dindo
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 533

Critique

"En tant que cinéaste, je suis un biographe et un travailleur de la mémoire. Je considère le cinéma documentaire comme un art de la biographie, écrit Richard Dindo. Pourtant, aborder la littérature par le cinéma confine au paradoxe. L'image littéraire est produite par le mot et son impact sur l'imaginaire du lecteur; elle est sans limite. L'image cinématographique est cernée par le cadre, donnée en produit fini au spectateur. Comment, dès lors, filmer sans la réduire la biographie d'un écrivain disparu? Qui plus est celle d'un écrivain comme Kafka dont la vie et l'œuvre se résument dans l'abstraction d'un sentiment, la souffrance: ""Je suis inapte à tout, sauf à la douleur.""

Dindo reprend le procédé dont il avait usé pour son film sur Rimbaud (1991). Les témoins-clés de la vie de Kafka sont morts, il les remplace par des comédiens qui ""parlent"" ce que leur personnage a écrit sur sa relation avec le grand homme. L'écrivain et ami Max Brod (Eckart Alexander Wachholz), Gustav Janouch (Carl Achleitner), fils d'un collègue de travail, Felice Bauer (Irene Kugler), Milena Jesenska (Hana Militka) et Dora Diamant (Renata Stachowicz-Bryckà), les femmes de sa vie, l'écrivain suisse Max Pulver (Peter Kaghanovitch). Ils posent, en pied, immobiles devant le décor de Kafka: Prague, surtout, aujourd'hui et en archives. Ce même décor part et revient, en fondu enchaîné souvent, vidé de tout personnage pendant que, hors champ, Ulrich Matthes lit des extraits du journal de l'écrivain.

Cela donne un film très construit, statique qui, par les citations et les images répétées, insistantes, s'enroule autour de l'écrivain tchèque comme l'inextricable labyrinthe dans lequel il s'était enfermé. Vivre à tout prix mais ne pas supporter la vie. Aimer le père et le haïr. Chérir Prague mais ne pas pouvoir y vivre. Être juif et grandir dans la haine du Juif. Poursuivre l'âme sœur et ne pas oser s'en approcher. Ces questions ont été celles d'une existence labourée par la souffrance psychique. Le film de Dindo les tourne et les retourne dans ses images, à partir des textes originels. L'écrivain qui y prend corps est probablement très proche de la vérité. Sombre, désespéré, dépourvu de toute capacité au bonheur, mais aussi avec une profonde connaissance de lui-même. ""Peut-être que mon enfance a été trop courte..."" dit-il."

Geneviève Praplan