Aux frontières de la nuit

Genève, la nuit... Y cohabite tout un monde de marginaux, de paumés, de clandestins, ainsi que des vigiles. Ce long métrage raconte vingt-quatre heures de cinq d'entre eux, aux prises avec des problèmes existentiels.

Pour les présentations, il y a d'abord Hans: policier suisse allemand en fin de carrière, il sillonne la ville jusqu'à l'aube. Il va devoir faire face à des situations difficiles. Las, déprimé par les séquelles de son divorce, il ressent une profonde solitude. Ce n'est pas Dan, son coéquipier bourré de préjugés, qui va pouvoir l'aider, lui qui semble même reporter ses frustrations sur les autres: son couple bat de l'aile.

Adé, jeune Malien sans papiers, est venu en Suisse pour réaliser un rêve: devenir une star du football. En attendant, il travaille clandestinement dans un restaurant et, cette nuit, l'amour pourrait être au rendez-vous. Momo quant à lui, ancien étudiant, travaille comme éboueur par nécessité, mais laisse croire à sa famille algérienne qu'il a réussi. Ce soir, il fête ses 30 ans, seul. Il erre dans la ville, croise des exclus, n'est pas bien du tout. Et puis Claire, 18 ans, paumée, instable, larguée par sa mère, qui patauge dans le marasme de la drogue. Cette nuit, leur destin va se frôler pour les uns, se croiser pour d'autres. Chacun va être aux prises avec une leçon de vie bien douloureuse.

Nasser Bakhati n'a pas fait un film sur les migrants. "Avec cette histoire, dit-il, j'ai essayé de traduire la fragilité de certains rapports humains à travers des destins qui ressemblent au mien et à ceux de beaucoup d'autres, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, tout en essayant d'être le plus proche possible de l'oppression pesante de notre époque troublante et troublée..." Chacun essaie de se raccrocher à ce qu'il peut, à un souvenir, à un amour, à un ersatz, pour survivre ou pour trouver simplement des forces... Mais le cœur fait mal... La réalité est si dure. Le destin semble être entravé. La ville se fait complice du mauvais sort. Les effets de lumière créent une atmosphère glauque, inquiétante, menaçante. Beaucoup d'émotions et de douleurs secrètes. Les lueurs de l'aube vont faire entrevoir à chacun une issue.

Le scénario offre peu de scènes inattendues, mais il évoque des problèmes de société bien réels. Le regard du réalisateur sur les personnages quels qu'ils soient reste bienveillant. La distribution est à l'image de la réalité: métissage entre acteur connu (Martin Huber dans Broken Silence), comédiens suisses et jeunes talents étrangers. La fiction qui a valeur de documentaire suscite réflexion.