The Bothersome Man

Affiche The Bothersome Man
Réalisé par Jens Lien
Pays de production Norvège, Islande
Année 2006
Durée
Musique Ginge Anvik
Genre Drame, Fantastique
Distributeur CTV International
Acteurs Trond Fausa Aurvag, Petronella Barker, Per Schaaning, Birgitte Larsen, Johannes Joner
N° cinéfeuilles 526
Bande annonce (Allociné)

Critique

"En plein désert, un car s'arrête à côté d'une vieille station-service. Le seul passager du véhicule, Andreas, est immédiatement pris en charge par un homme rondouillard qui le transporte dans une cité au premier abord accueillante: tout a été préparé pour lui, logement, travail, vêtements, distractions. Tout est facile, même les rapports amoureux. Il y a pourtant quelque chose de bizarre chez les habitants de cette ville qui sont toujours bien disposés, mais paraissent éteints, uniquement préoccupés par l'aménagement et le confort de leur intérieur. Un monde sans enfants, lisse et assez terne.

THE BOTHERSOME MAN est une fable joyeuse et grinçante sur une manière de vivre, sur un mode d'exister qui est celui de la félicité à tout prix et de l'amabilité obligatoire. Andreas va se heurter paradoxalement aux difficultés d'une existence où tout lui sourit.

Le cinéaste Jens Lien prend un plaisir évident à créer une tension burlesque grandissante, et s'amuse à faire douter le spectateur de tout ce qu'il voit. Le récit s'égare dans le fantastique, la logique prend eau, l'histoire tourne à la farce. Et pourtant... A travers une fissure du mur entourant ce monde, Andreas essaiera de fuir et de retrouver un ailleurs dont il a la nostalgie. Dans cet univers si parfait, il lui manque la vraie saveur du chocolat, les rires et les cris des enfants.

Un film pétillant d'humour, un conte revigorant, un petit film humaniste comme on les aime.



Antoine Rochat





Un film insolite, véritablement extraordinaire. Bien écrit, bien raconté, où l'image, comme il se devrait, prime sur la parole. En plus, exotisme assuré grâce aux paysages étonnants de l'Islande et à des musiques bien choisies, d'Edvard Grieg pour l'essentiel.

Ça commence par une ""salade de museaux"" - comme dirait Bérurier - semblant interminable: dans une station de métro, un couple s'embrasse à bouche que veux-tu, avec application plus qu'avec passion (la jeune femme garde les yeux ouverts et laisse errer son regard. Un peu plus loin, un homme tourne le dos, apparemment excédé; soudain, à l'arrivée d'une rame, il se jette sur la voie, les bruits humides étant remplacés par le craquement des os. A la manière d'une ouverture d'opéra, cette séquence donne le ton du film qui ne manque pas d'effets macabres.

Par un retour en arrière, on assiste à l'arrivée de l'homme, hirsute, barbu, vêtu d'habits sales, sans bagages, débarquant, unique passager d'un énorme autocar venu on ne sait d'où, devant une station-service abandonnée en rase campagne. Là, un personnage affairé, qui a déployé une banderole de bienvenue, l'accueille et le conduit en ville, à un appartement tout équipé (un placard est même rempli de vêtements).

Le lendemain, rasé, propre, bien mis, Andreas (Trond Fausa Aurvag, remarquable) se rend dans une entreprise où le patron lui confie un travail de comptable et une avance sur son salaire. Il essaie de s'adapter à un univers lisse et glacé, où les gens semblent aussi impersonnels que les bureaux et les appartements design qu'ils occupent.

Peu à peu, des décalages s'installent: dans ce monde policé, dont la netteté chirurgicale fait penser à Kaurismäki, quelques rebelles se manifestent, se plaignant de ce que les aliments n'aient plus le goût d'autrefois, de ce que l'alcool soit frelaté. Intrigué par l'un d'eux, Andreas le suit et repère sa tanière en sous-sol, d'où sortent des sons étranges... Il réalise que derrière le monde étrange dans lequel il a été parachuté, où même l'amour est aseptisé, il doit y avoir un autre monde où l'on entend des rires d'enfants, le ressac de la mer, une musique de fête foraine, où l'on cuit au four à bois des gâteaux parfumés et savoureux. Comment faire pour y accéder?

Si le film connaît un léger fléchissement dans sa partie centrale, la fable qu'il propose touche. Certes, l'humour est noir, mais il n'est pas gratuit, il s'inscrit dans la lignée de Frisch et de Beckett; et de belles émotions esthétiques attendent le spectateur amateur du genre. Ce n'est pas un objet commercial, loin de là, mais il devrait trouver son public. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.



Daniel Grivel"

Ancien membre