Buenos Aires 1977

Affiche Buenos Aires 1977
Réalisé par Israel Adrián Caetano
Pays de production Argentine
Année 2006
Durée
Musique Ivan Wyzsogrod
Genre Thriller
Distributeur Wild Bunch Distribution
Acteurs Rodrigo De la Serna, Pablo Echarri, Nazareno Casero, Guillermo Fernandez, Lautaro Delgado
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 526
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Comme son titre l'indique, cette chronique d'une évasion est fondée sur un fait réel. Depuis la fin de la dictature en Argentine et l'accession au pouvoir du président Kirchner, les bouches et les dossiers s'ouvrent - mais on ne sait toujours pas encore ce qu'il est advenu de 20'000 des 30'000 personnes disparues, enterrées, jetées à la mer du haut d'un hélicoptère. L'accueil réservé par le public argentin, parmi lequel de nombreux survivants de la dictature, semble indiquer que le film de Caetano a frappé juste.

Buenos Aires, 1977: Claudio Tamburrini (auteur du livre d'où a été tiré le film), jeune footballeur, est arrêté par des agents du gouvernement militaire. Accusé sans fondement, interrogé avec brutalité, il est embastillé dans la Maison Seré, banale villa faisant lieu de centre clandestin de détention. Avec d'autres jeunes gens, il est livré à l'arbitraire de geôliers sadiques et imprévisibles qui soufflent le chaud et le froid, interrogé, contre-interrogé, torturé. Que faut-il ""avouer""? Que dire sans livrer des innocents, sans compromettre des compagnons d'infortune? Comment préserver sa dignité? L'ombre plus récente de Guantanamo plane quant à ce dont sont capables des hommes se sentant en position de force face à des semblables désarmés, humiliés, diminués. L'espoir d'une évasion possible servira de moteur (ce qui me rappelle un défunt chef de la justice et de la police vaudoises, très attaché à cette éventualité, car pour lui un enfermement inéluctable réduisait un détenu aux pires extrémités).

Un film fort et secouant.



Daniel Grivel





BUENOS AIRES 1977 est le quatrième long métrage d'Israel Adrian Caetano qui est connu en Argentine par ses courts métrages, ses mini-séries pour la télévision et ses nombreux prix. Ce réalisateur de 38 ans est l'un des chefs de file du nouveau cinéma argentin. Il a été touché par le livre-témoignage de Claudio Tamburrini, Pase libre, la fuga de la Mansion Seré, relatant sa détention dans la Maison Seré à Buenos Aires, sous la dictature militaire. Son film est une adaptation partielle de ce livre.

Le coup d'état qui a renversé le gouvernement d'Isabel Peron en 1976 fait entrer l'Argentine sous le joug de la dictature militaire. Buenos Aires 1977: des agents de la junte font irruption chez Claudio Tamburrini, jeune gardien de but. Après une série d'accusations sans fondement et un bref et violent interrogatoire, il est amené de force à la Maison Seré, un centre secret de détention. Le cauchemar commence. En ce lieu sans loi ni logique tentent de survivre des jeunes à la merci de décisions arbitraires. Comment résister aux interrogatoires, à la torture? Comment ne pas donner des noms ni livrer arbitrairement des innocents? Comment ne pas devenir fou? Comment ne pas se méfier même des codétenus? L'un d'eux, Guillermo, parle d'évasion. Bien qu'impensable, cette idée va leur donner espoir et mobiliser leurs dernières forces pour préparer leur fuite.

Un film fort, dur, où la violence est davantage suggérée que démontrée et pourtant qui fait froid dans le dos. Il est l'évocation d'une page d'histoire qui ne cesse d'ouvrir des béances noires et tragiques en Argentine. Que sont devenues les 30'000 personnes disparues il y a moins de trente ans? Le témoignage de ceux - rares - qui ont échappé aux rafles infernales prend sens. On reçoit en plein écran leurs peurs, leurs souffrances, leur prostration.

Le choix de l'esthétique renforce l'impact: images contrastées, texture brute avec des grains et des noirs profonds, ce qui engendre un climat inquiétant et fait éprouver les sensations des personnages dont le jeu est convaincant. Amplifiant l'innommable, le décor est formé d'une ancienne maison bourgeoise, désaffectée, sombre. Sur des paillasses à même le sol ou sur des sommiers en fer, quatre détenus menottés, les yeux recouverts d'un bandeau épais, ou le corps nu haletant, se demandent comment survivre, au milieu des interrogatoires, sévices, humiliations infligés par des matons haineux aux cheveux gominés.

Le scénario fait l'impasse sur tout contexte social et toute réflexion politique. Le réalisateur a pris l'option d'un film sensoriel privilégiant l'expérience des personnages. L'aspect répétitif: 1er jour, 2e jour, 20e jour, 120e jour inscrit en banc-titre sur l'écran, devient exaspérant. On peut regretter le titre original du film, qui, reprenant celui du livre, dévoile d'emblée une partie de l'intrigue et émousse le suspense. Les condamnés à mort se sont donc échappés, mais le cinéaste tient à apporter sa caution au ""Plus jamais"", alors que les Folles de la place de Mai ont mis un terme à leur protestation silencieuse.



Claudine Kolly"

Ancien membre