Critique
"Nous vivons une époque complexe et difficile et j'ai souhaité que cette complexité se reflète dans SYRIANA, y compris dans sa narration. Il n'y a ici ni bons, ni méchants, nos personnages ne suivent pas un itinéraire classique, les intrigues ne débouchent pas sur une morale édifiante et si les questions restent ouvertes, c'est avec l'espoir que ce film touchera différemment et laissera une trace plus durable. Cela m'a semblé le reflet le plus honnête du monde de l'après-11 septembre dans lequel nous vivons.
Ce texte de Stephen Gaghan sert de préambule au dossier de presse. La complexité dont il parle est une évidence dont les films commerciaux ne tiennent pas compte. Le réalisateur de SYRIANA, lui, en fait un style, en menant plusieurs histoires de front, à l'aide d'un montage haché, parfois décousu, au risque d'embrouiller le spectateur. La complexité dont il parle est celle de la vie quotidienne des gens ordinaires. Mais ô combien davantage celle du gouvernement d'un pays aussi puissant que les Etats-Unis. Rapidement, ce dernier devient l'acteur central de cette fiction qui a pour objet le problème géopolitique central du pétrole et du gaz naturel.
Le prince héritier d'un émirat veut vendre les droits de forage à une entreprise chinoise, en concurrence directe avec une grosse compagnie étasunienne. Ce prince a pour conseiller un jeune expert en énergie, Bryan Woodman (Matt Damon), qui ne craint pas de jouer franc-jeu. Tandis qu'aux Etats-Unis, on engage Bob Barnes (George Clooney), un vieux routier des services secrets, pour assassiner le prince. Les sites de forage ne sont pas ignorés, on y découvre les camps de travailleurs réfugiés pakistanais, exploités jusqu'à l'os. Le terreau est idéal pour les imams intégristes qui s'emploient à récupérer ces ouvriers et les transformer en terroristes.
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil du pétrole, mais il n'est pas mauvais de remettre cette réalité en perspective. On connaît l'engagement politique de George Clooney et de son ami Steven Soderbergh, tous deux producteurs exécutifs de SYRIANA. C'est cet engagement qui prévaut ici, à une période où la ""philosophie politique"" du président George Bush a largement perdu de sa superbe. Et c'est ce même engagement qui, en essayant de se distancer de la charge manichéiste, rend le film sympathique. Œuvre trop construite, au long préambule, elle gagne en qualité dans son déroulement, et notamment avec une fin plutôt inattendue."
Geneviève Praplan