Critique
"Chassée de la télévision publique pour avoir osé brocarder Silvio Berlusconi, l'actrice et célèbre humoriste Sabina Guzzanti a réalisé un documentaire de combat, une sorte de brûlot antiberlusconien dans lequel elle dénonce des atteintes de plus en plus fréquentes, en Italie, à la liberté d'expression.
Pour s'être attaquée férocement à l'homme le plus puissant de la Péninsule, Sabina Guzzanti a payé le prix fort. Celui de l'exclusion. Le film qu'elle signe ici, VIVA ZAPATERO!, est une sorte de revanche qu'elle prend sur les autorités de son pays qui ont estimé que ses émissions étaient ""pleines de vulgarités et d'insultes au gouvernement"". Virée de la télévision et de la RAI, elle revient par la fenêtre du cinéma et, caméra au poing, demande des comptes à celles et à ceux qui l'ont interdite d'antenne ou qui, dans les milieux de l'opposition, ne l'ont que très mollement secourue.
Se dégage assez vite de cette enquête menée tambour battant une impression de malaise: la classe politique italienne paraît de mauvaise foi, tout imprégnée d'hypocrisie, et les autorités judiciaires ne font pas le poids. L'attitude de certains journaux confine parfois à la lâcheté et celle de la RAI à un copinage indécent: Sua Emittenza règne partout, contrôlant les télévisions du pays, la presse est mise au pas. On parle même de fascisme rampant.
Patchwork un peu désordre, constitué de documents télévisuels, d'archives, d'entretiens avec des personnalités politiques ou médiatiques, d'interviews improvisés (et souvent ratés), le film a eu du succès en Italie. Un minime espoir de réveil démocratique subsiste donc, constate Sabina Guzzanti. Adriano Celentano semble par ailleurs avoir repris, à la TV, le flambeau de la révolte antiberlusconienne.
VIVA ZAPATERO! est un documentaire politique brouillon et rageur, mais utile. Utile pour l'Italie, utile aussi - Sabina Guzzanti sait rendre hommage, en passant, à Canal+ et aux Guignols de l'Info - pour d'autres pays. ""Je ne suis qu'un bouffon et je n'ai fait que mon métier"", précise-t-elle. Son film se veut dénonciation, en même temps que réflexion sur la place de la satire dans le monde des médias. ""Une démocratie qui a peur du rire, dit Bruno Gaccio, c'est une démocratie malade."" On ne peut que lui donner raison."
Antoine Rochat
