Seigneur de la guerre (Le)

Affiche Seigneur de la guerre (Le)
Réalisé par Andrew Nicco
Pays de production U.S.A.
Année 1965
Durée
Musique Jerome Moross, Hans J. Salter
Genre Drame, Aventure, Historique
Acteurs Charlton Heston, Richard Boone, Rosemary Forsyth, Guy Stockwell, Niall MacGinnis
N° cinéfeuilles 516

Critique

"Voilà un titre - LE SEIGNEUR DE LA GUERRE - qui pourrait laisser entendre qu'il s'agit une fois de plus d'un film militaro-patriotique américain exaltant l'héroïsme de soldats luttant pour les plus nobles causes. Il n'en est rien. Sous la forme d'un thriller, Andrew Niccol s'en prend sans ménagement au scandaleux trafic des armes existant aujourd'hui dans le monde.

Pas trop de bruit, pas trop de fureur dans LORD OF WAR. Le film se veut démonstration des méthodes utilisées par les industries et les trafiquants d'armes sans scrupules qui opèrent dans les zones des conflits agitant notre planète, contribuant ainsi - tout en tirant de ce commerce un juteux profit - à en décimer les populations.

D'origine ukrainienne, Yuri Orlov (Nicolas Cage) a émigré à New York avec ses parents. Après avoir travaillé dans le restaurant familial, il découvre une activité beaucoup plus lucrative, celle du commerce des armes. Audacieux et fin négociateur, il se fait rapidement une place dans ce milieu-là, entraînant dans son sillage son frère Vitali (Jared Leto). Profitant des conflits qui font rage en Afrique et au Moyen-Orient, courtisant les pires dictateurs, Yuri amasse une belle fortune, tandis que son frère, dégoûté, sombre dans la toxicomanie. Yuri épouse un mannequin célèbre, Ava (Bridget Moynahan), tout en réussissant à lui cacher l'origine de sa richesse. Avec la chute du régime soviétique, le marché deviendra nettement moins intéressant pour lui. De son côté, un agent d'Interpol, Jack Valentine (Ethan Hawke), s'efforcera par tous les moyens de l'arrêter.

Le scénariste-réalisateur-producteur Andrew Niccol s'est lancé dans une entreprise de dénonciation courageuse, sous la forme d'un thriller. Mieux connu à ce jour comme auteur de plusieurs scénarios (THE TRUMAN SHOW de Peter Weir, THE TERMINAL de Steven Spielberg), il réussit avec LORD OF WAR à plonger sans ménagement le spectateur dans un monde glauque où le cynisme dans les affaires reste la règle absolue. Bien documenté, son film rappelle que la fin de la Guerre froide a rendu inutiles beaucoup de stocks d'armes, et que l'effondrement du bloc soviétique, dans les pays de l'Est, a encore accéléré leurs ventes sauvages. Le contrôle de gigantesques arsenaux est devenu très difficile, et l'entretien de tout ce matériel trop cher. Une occasion en or pour les trafiquants de tous bords...

Nicolas Cage donne une excellente interprétation du personnage de Yuri, à la fois lucide et détestable, vendant des engins de mort à qui peut les payer, et évitant surtout d'être lui-même confronté aux horreurs dont il devient responsable. Personnage fictif, Yuri a néanmoins été inspiré par ce que l'on sait de cinq trafiquants qui ont existé - ou existent encore -, ce qui confère au film une composante politique et historique solide. Plusieurs pays sont clairement désignés, dont les Etats-Unis (parmi d'autres). Au-delà de son côté pamphlétaire, LE SEIGNEUR DE LA GUERRE donne une image assez sombre des rapports de force et de la violence qui régissent notre monde. ""Nous avons eu du mal à trouver le financement du film, précise le réalisateur. Nous ne voulions pas cacher le rôle des Etats-Unis dans les ventes d'armes, et ce projet soulevait dès lors trop de controverses. Trouver de l'argent aux USA a été d'autant plus difficile que nous avons soumis notre scénario une semaine avant le début du conflit en Irak...""

Plusieurs investisseurs étrangers ont eu finalement le courage de s'engager financièrement. Tant mieux. Voilà un film qui ose s'afficher à l'écart de la production commerciale états-unienne de ces dernières années. Comme s'il y avait à nouveau place - il faut garder cet espoir - pour un autre regard, une autre manière de parler de l'Amérique et du monde. L'œuvre est modeste sans doute, mais elle s'inscrit (avec quelques autres) en marge de la production courante hollywoodienne destinée avant tout à divertir et à rassurer.

LE SEIGNEUR DE LA GUERRE est un thriller bien ficelé qui nous embarque aux quatre coins du monde, accompagnant ce voyage d'explications surprenantes sur les rouages d'un sombre trafic. Dommage simplement que le cinéaste se fasse avant tout témoin, plutôt que juge, devant ce qu'il nous donne à voir et à méditer. Sans doute ne pouvait-il pas, sur ce terrain miné, aller beaucoup plus loin dans son enquête. Rentabilité commerciale oblige...

"

Antoine Rochat