Critique
"Léopard d'or du meilleur film et du meilleur acteur (Mohammad Bakri) à Locarno, PRIVATE offre une très forte leçon de dignité dans un film aux allures de documentaire.
Tourné en Calabre avec des acteurs israéliens et palestiniens, Saverio Costanzo s'est inspiré pour son premier long métrage d'une histoire vraie, celle d'une famille palestinienne aux prises avec une escouade de l'armée israélienne.
La maison palestinienne se voit soudainement divisée en trois: l'étage où résident les soldats, le salon du bas où la famille doit dormir (porte fermée à clef), et les autres pièces du bas, où elle peut ""vivre"" le reste de la journée, en fonction du bon vouloir des soldats. La pression à laquelle est soumise cette famille est palpable et tous réagissent: peur et incompréhension chez les petits, haine grandissante chez Jamal l'adolescent, volonté de fuir chez Samia la mère qui veut épargner les siens, résistance pacifique du père déterminé à rester quoi qu'il lui/leur en coûte, un père pris tout d'abord pour un lâche par sa fille aînée.
Délaissant toute volonté esthétique, le réalisateur livre des images et des sons d'une grande efficacité. L'économie de moyens - caméra sur l'épaule - se conjugue avec le sujet, ce qui n'empêche nullement la tension de devenir à plusieurs reprises contagieuse.
Lorsque tous les ingrédients sont à disposition pour que la haine se tisse et se sème longtemps encore, y a-t-il d'autres voies possibles pour rester digne que de prendre à son tour les armes? C'est la conviction intime d'un homme, et de cela personne ne peut le priver. Alors la fin traduit-elle un retour en arrière ou annonce-t-elle un lendemain qui ressemble à s'y méprendre à un aujourd'hui insupportable? C'est peut-être moins du côté du récit que de l'aveu de la fille aînée à son père - ""je crois que je commence à te comprendre"" - que vient la réponse."
Serge Molla