Nina Santa (La)

Affiche Nina Santa (La)
Réalisé par Lucrecia Martel
Pays de production Argentine
Année 2003
Durée
Genre Drame
Acteurs Mercedes Morán, Maria Alché, Julieta Zylberberg, Carlos Belloso, Alejandro Urdapilleta
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 488
Bande annonce (Allociné)

Critique

Nous avions 14 ou 15 ans. Le monde était à la mesure exacte de nos passions. L'intensité des idées religieuses et la découverte du désir sexuel nous rendaient voraces. Nous étions implacables dans nos plans secrets. Nous étions attentives car nous avions une mission sainte, mais nous ne savions pas laquelle. Chaque maison, chaque couloir, chaque chambre, chaque mot réclamaient notre vigilance. C'est alors que j'ai rencontré le Dr Jano. Ce texte est dit en voie off au début du film, il contient tout le reste.

Amalia (Maria Alché) et Josefina (Julieta Zylberberg) ont 16 ans. Elles chantent dans une chorale et se retrouvent avec la directrice pour parler de leur foi. Les discussions sont consacrées à la vocation, programme qui envoûte les jeunes filles. Amalia vit dans l'hôtel dont sa famille est propriétaire, sa mère Helena (Mercedes Morán) est divorcée. Justement, un congrès de médecine se tient dans cet établissement. Le Dr Jano (Carlos Belloso) en fait partie. Amalia surprend chez lui des attitudes érotiques, elle décide de le convertir.

LA NINA SANTA offre un contrepoint bienvenu aux bêtises que Hollywood sert régulièrement sur les collèges et les minettes. Le regard que porte Lucrecia Martel sur l'adolescence est d'une tout autre subtilité. L'histoire se passe dans les années 70, et les sentiments des adolescentes d'alors pourraient éclairer ce qui se passe chez les Lolitas de notre temps. Amalia est fascinée par la religion, elle est fascinée aussi par ses découvertes sexuelles. L'idée de la vocation l'envoûte sans qu'elle la comprenne. Au demeurant, la directrice l'explique fort mal, comme on l'expliquait partout à la même époque (Dieu te fera signe). Pour Amalia, la vocation se confond avec la vie amoureuse. Elle se laisse emporter par l'exaltation sans que personne ne comprenne ce qui se passe en elle.

Troublante histoire que le décor contribue à rendre plus opaque, par les pénombres de ses couloirs, le côté défraîchi du bâtiment, ses bains surannés, cette atmosphère d'un autre temps qui apparaît gonflée de ses propres mystères. Tout y semble écrasé de chaleur, sensuel, fiévreux, étouffant. LA NINA SANTA est une œuvre singulière, déconcertante. Le drame y est latent, il n'éclate jamais: les ambiances successives suffisent à le raconter.

Geneviève Praplan