Khamosh Pani

Affiche Khamosh Pani
Réalisé par Sabiha Sumar
Pays de production France, Allemagne, Pakistan
Année 2002
Durée
Musique Arjun Sen
Genre Drame
Distributeur Les Films du Losange
Acteurs Kirron Kher, Aamir Malik, Arshad Mahmud
N° cinéfeuilles 476
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Deux grands courants s'affrontent dans ce premier long métrage de Sabiha Sumar, Léopard d'Or (meilleur film et meilleure actrice) au dernier Festival de Locarno: la cause des femmes et la montée du fondamentalisme religieux au Pakistan. Un film attrayant, bien construit, mais classique.

Aïcha, femme épanouie, la quarantaine, vit heureuse avec son fils Salim à Charkhi, petite bourgade du Pendjab pakistanais. Nous sommes en 1979: le général Zia-ul-Haq vient de prendre le pouvoir et d'instaurer la loi martiale. Le processus d'islamisation du pays s'intensifie. Salim, jusqu'ici doux, rêveur et amoureux, se laisse séduire par ce discours. Il se durcit, devient intransigeant et violent.

C'est surtout vers la femme pakistanaise que la réalisatrice veut nous faire tourner le regard: les drames vécus en 1947, lors de la Partition du sous-continent indien en deux Etats, l'Inde et le Pakistan. Femmes et fillettes - musulmanes, hindoues ou sikhs - furent alors abominablement maltraitées: violées, achetées, vendues, certaines exterminées. Ou encore contraintes par leurs proches à se donner la mort, pour conserver leur chasteté et sauver ainsi l'honneur de la famille et de la communauté. Quelques-unes ont fini par épouser leur ravisseur: comme Aïcha.

Pour écrire ce personnage, Sabiha Sumar - qui pensait au départ écrire un documentaire - s'est appuyée sur de nombreuses interviews de femmes ayant subi des cruautés. ""Dans mes entrailles, dit-elle, j'ai pu ressentir la violence qui est faite à une femme enlevée aux siens, qui doit vivre dans un pays qu'elle n'a pas choisi, contrainte de se convertir à la religion de son ravisseur et de mettre au monde ses enfants. Pourtant, la vie doit continuer, imperturbable, en dépit des petits troubles d'une femme violée.""

La réalisatrice a eu raison de se tourner vers la fiction. Son film est attrayant, construit habilement autour de deux intolérances qui s'interpellent: celle de 1947 (Partition) et celle qui surgit en 1979 avec l'islamisation du pays. KHAMOSH PANI nous sensibilise avec clarté et couleurs chatoyantes, à la fois à une page d'Histoire dramatique et peu connue et à la montée d'un fanatisme religieux bousculant la vie ordinaire des autochtones.

Mais que ce soit avec ce premier long métrage ou avec ses documentaires antérieurs (voir ci-dessous), c'est la cause de la femme que Sabiha Sumar défend avec force: ""J'ai pu véritablement saisir leur grande vulnérabilité. Cela m'a rappelé le sort des femmes en Bosnie ou au Kosovo, et plus loin dans le temps, les tragédies vécues par les Juives dans une Europe déchirée par la guerre.""

Pour le reste, KHAMOSH PANI est un film de facture classique, sans grande originalité formelle. Peu de questionnement. Une (trop) courte séquence finale, qui se déroule en 2003, laisse l'incompréhension régner et l'intégrisme libre de susciter de nouvelles violences.





Sabiha Sumar:

Née en 1961 à Karachi (Pakistan), Sabiha Sumar a étudié le cinéma et les sciences politiques à l'Université Sarah Lawrence de New York, puis les relations internationales à Cambridge. Elle est connue comme réalisatrice de documentaires, dont QUI JETTERA LA PREMIERE PIERRE (1988), LA OU DANSENT LES PAONS (1992), NE DEMANDE PAS POURQUOI (1999) ou POUR UNE PLACE DANS CE MONDE (2003). Tous abordent d'une manière ou d'une autre la discrimination des femmes au Pakistan. KHAMOSH PANI est son premier long métrage."

Ancien membre