Critique
"Alain Resnais (81 ans) connaît la musique... Il a choisi une opérette d'André Barde et Maurice Yvain - celui-ci a été parolier d'excellentes chansons reprises par les Frères Jacques - créée en 1925, pour en tirer un film en costumes qui pétille comme du mousseux à défaut de champagne.
Le générique, en ombres chinoises, donne l'ambiance rétro. On se trouve à Neuilly, dans un hôtel particulier BCBG. Madame (Sabine Azéma) aime marivauder mais sans conclure, comme on dirait dans LES BRONZES; Monsieur (Pierre Arditi) s'apprête, lui, à conclure une juteuse association avec un richissime homme d'affaires américain (Lambert Wilson), dont il ignore qu'il fut le premier mari de sa femme...
Mécanique réglée à la Feydeau, truffée de coups de théâtre et de quiproquos, l'opérette, un brin jazzifiée pour avoir plus d'allant, va son bonhomme de chemin. Décors et costumes sont soignés jusqu'au moindre détail; les comédiens sont impeccables; les dialogues font mouche; Resnais signe une fois de plus une mise en scène élégante, rehaussée par la caméra de Renato Berta. La comédie presque octogénaire prend un coup de jeune: l'air inspiré par l'Action française a des accents lepénistes, l'antiaméricanisme de l'époque rejoint l'actualité.
Pour la petite histoire, pourquoi ""Pas sur la bouche""? Parce que le premier mariage de l'héroïne n'a pas survécu à la répulsion du mari américain à l'encontre du baiser dit français dans la langue de Shakespeare, jugé peu hygiénique...
Alain Resnais a du jus. Malgré quelques longueurs, il offre un régal pour les yeux et pour les oreilles - en tout cas aux spectateurs d'un certain âge.
Et Darry Cowl, bientôt octogénaire? Pas un mot à la belle-mère. Je vous laisse le plaisir d'avoir la surprise de le découvrir dans un rôle hilarant, où il renoue avec ses premières amours, à savoir l'opérette."
Daniel Grivel