Critique
Le second long métrage d'Eliane Caffé traite du plaisir de raconter. Personne ne connaît Javé; c'est le village le plus insignifiant du Brésil. Mais il enferme l'âme de ses habitants et lorsque ceux-ci apprennent qu'un barrage va noyer toute la vallée, ils refusent les maisons neuves promises en échange de leurs taudis. Le seul moyen d'éviter que Javé ne disparaisse, c'est de le faire classer au patrimoine. Et l'unique patrimoine qu'il possède, c'est son histoire estiment les habitants. L'un d'eux, plus érudit que les autres, sera chargé de recueillir la tradition orale et de l'écrire.
Oublions une mise en scène diluée, des longueurs qui nuisent au rythme, et NARRADORES DE JAVE se présente comme un petit film sympathique sur les racines et la mémoire. Le drame que vivent les populations face à l'inéluctable montée des eaux n'est pas directement évoqué. Le ton est plus drôle que dramatique. Les habitants de Javé sont illettrés pour la plupart. Ils ne possèdent rien. Raconter une histoire leur donne soudain un pouvoir inespéré. Chacun possède un ancêtre héroïque qui va redorer le blason défloré du présent. En fin de compte, les récits qui se superposent révèlent des caractères mal connus, le village se regroupe autour du livre. Mais le personnage le plus fort reste celui de l'écrivain, homme fantasque et imaginatif, qui finira par asséner la réalité à ses inspirateurs: il ne sert à rien d'embellir le passé quand on n'est rien du tout dans le présent.
(Cf. également le commentaire d'Antoine Rochat dans CF n. 457.)
Geneviève Praplan
