Skinhead Attitude

Affiche Skinhead Attitude
Réalisé par Daniel Schweizer
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 470

Critique

"SKINHEAD ATTITUDE est un documentaire peu banal qui cherche à retracer l'histoire du mouvement skinhead, des années 60 à nos jours. Un film-choc, dérangeant, mais sans doute utile.

Le réalisateur suisse Daniel Schweizer s'était fait connaître, dans les années 90, par des documentaires tournés pour la TV, en particulier (en 1998) par SKIN OR DIE, un moyen métrage consacré aux skinheads-nazis de Suisse romande et de quelques pays d'Europe. Suite à la projection de ce film en salles (et sur Arte) beaucoup de jeunes skinheads antiracistes (à Paris et à Berlin) avaient reproché au cinéaste d'avoir brossé un faux portrait du mouvement, en ne donnant la parole qu'aux jeunes extrémistes de droite et en ignorant les militants de gauche, plus pacifiques et opposés à toute forme de racisme.

Avec SKINHEAD ATTITUDE, Daniel Schweizer reprend la question et présente un document plus complet sur l'origine, l'histoire et la manière dont s'exprime aujourd'hui ce mouvement très médiatisé, mais souvent mal connu. Il lui a semblé urgent de faire un film qui puisse donner quelques clés, quelques explications pour comprendre cette subculture, ses dérives et sa radicalisation actuelle.

SKINHEAD ATTITUDE présente d'abord un historique du mouvement, né dans les années 60. A cette époque les skinheads n'étaient pas politisés, ni particulièrement racistes. Et les skins noirs étaient presque aussi nombreux que les blancs. Quant au mot ""skinhead"", c'est un musicien jamaïcain qui l'a forgé, lançant à la fois une chanson avec ce titre et la mode du crâne rasé. A l'époque les skinheads écoutaient du reggae et du ska, et ils étaient issus pour la plupart du monde ouvrier.

Dans sa démarche, Daniel Schweizer a choisi de s'attacher aux pas d'une jeune skinhead française de 22 ans, Karole, traditionnelle et antiraciste, qui va emmener l'équipe de tournage de l'Angleterre aux Etats-Unis, en passant par l'Allemagne, la Suède et le Canada, dans une sorte de road movie documentaire. Cette skinhead-girl ""modérée"" assume son identité de femme dans un mouvement très machiste. Le film est aussi un voyage musical qui, en suivant Karole et ses amis, donne l'occasion au cinéaste de dessiner le portrait de quelques jeunes skinheads contemporains. Les mouvances internes s'opposent souvent violemment, un antagonisme très fort existe entre ceux qui sont opposés à toute forme de racisme - ou qui se définissent comme apolitiques - et ceux qui, au contraire, font de la lutte raciale l'expression même de leur vie. Des options très différentes, mais une seule origine, une seule motivation de départ, celle de se rebeller et de se distancier du monde des adultes, de la société en général, en adoptant un comportement de refus et un look provocateur. Mais on aurait tort, selon le cinéaste, de procéder à un amalgame réducteur: le mouvement skinhead, s'il est devenu aujourd'hui stéréotypé et synonyme de groupement d'extrême-droite proche des néo-nazis, c'est parce que ses mouvances racistes, avec leurs manifestations et leurs excès de violence, ont été et sont très fortement relayées par les médias.

Le film de Daniel Schweizer s'appuie sur un matériau d'archives riche et intéressant. Bien documenté, le cinéaste joue avec les intervenants qu'il rencontre, confronte les situations par le montage, mêlant passé et présent, ce qui permet au spectateur d'entrer peu à peu dans la complexité du sujet. Se dégage alors de ces témoignages et de ces images une réalité un peu plus objective des faits. Même si subsiste, pour le spectateur, le désagréable sentiment d'être - quelle que soit l'orientation politique des divers groupements rencontrés - le témoin d'une réflexion simpliste, et souvent de propos haineux. Un monde fermé, agressif et intolérant, plein d'idées toutes faites et de rancœurs. Mais le film est intelligent, solidement charpenté et documenté, bref décapant. Il interpelle et s'en vient bousculer bien des idées reçues, troublant souvent brutalement notre tranquillité d'esprit. SKINHEAD ATTITUDE se présente comme une descente dans un monde marginalisé, au milieu de jeunes qui ont le sentiment aigu d'un no future et une volonté têtue de vivre leur différence."

Antoine Rochat