Fenêtre d'en face (La)

Affiche Fenêtre d'en face (La)
Réalisé par Ferzan Ozpetek
Pays de production Italie
Année 2003
Durée
Musique Andrea Guerra
Genre Drame
Distributeur Zootrope Films
Acteurs Serra Y?lmaz, Giovanna Mezzogiorno, Raoul Bova, Massimo Girotti, Filippo Nigro
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 469
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Encore une bonne surprise qui nous vient d'Italie. LA FENETRE D'EN FACE se présente comme une comédie de mœurs, mais le spectateur découvre peu à peu la complexité et la richesse de l'intrigue, pleine de correspondances internes: le film de Ferzan Ozpetek apparaît alors chaleureux et plein d'humanité.

Le cinéaste joue ici avec le temps. L'histoire débute à Rome, en 1943, lors des arrestations de Juifs par les nazis, mais on se retrouve très vite dans cette ville, de nos jours (le film est construit sur ce va-et-vient temporel): Giovanna et Filippo, la trentaine à peine, se sont mariés jeunes et ont deux enfants. La première travaille comme comptable dans une petite usine où l'on déplume et conditionne de la volaille. Elle est le véritable soutien de la famille: son mari n'exerce pas de profession stable, passant d'un travail à un autre. Un couple comme un autre, une vie un peu routinière.

Sauf qu'un jour où ils rentrent tous deux chez eux d'assez mauvaise humeur, un vieil homme distingué leur demande de l'aide: il ne sait plus qui il est, ni où il est. D'abord réticents, Giovanna et Filippo l'emmènent chez eux, bien décidés à le remettre le lendemain aux mains des carabinieri. Mais le vieillard, par ailleurs discret et poli, restera chez eux plus longtemps que prévu et cette présence mystérieuse va déclencher une série de réactions en chaîne, tout particulièrement chez Giovanna qui s'occupe gentiment de lui. Avec un locataire qu'elle aperçoit à ""la fenêtre d'en face"", elle partira à le recherche de l'identité perdue du vieil homme inconnu. Au cours de cette quête du passé, dans ce travail de reconstitution de la mémoire, la jeune femme va être amenée à jeter un regard neuf sur sa propre existence.

Ferzan Ozpetek fait progresser son récit par petites touches successives, avec beaucoup de talent, transmettant les informations nécessaires comme au compte-gouttes, et distribuant les morceaux du puzzle (ceux du passé, ceux du présent) un par un. Non pour faire languir le spectateur (le suspense n'est pas l'élément moteur du film), mais pour mieux définir les relations qui s'installent subtilement entre les trajectoires existentielles de Giovanna et du vieil homme. Et c'est au travers de plusieurs étapes - souvent peuplées de personnages ou de fantômes surgis d'un passé tragique - que Giovanna va construire sa nouvelle identité et tendre vers une maturité nouvelle, le film apparaissant alors, dans ses dernières images, comme une œuvre teintée d'espoir, comme l'image d'une réconciliation possible avec soi-même et les autres.

Avec LA FENETRE D'EN FACE, Ferzan Ozpetek - cinéaste turc installé de longue date (vingt-cinq ans) en Italie - signe un excellent quatrième film, plus épuré que TABLEAU DE FAMILLE (CF n. 429), où l'on retrouve non seulement sa parfaite maîtrise du récit, mais surtout sa très grande sensibilité descriptive des gens, dans leurs relations, leurs gestes, leurs paroles, leurs allusions discrètes et les non-dits. Sans oublier le rôle important qu'il sait donner à différents objets, en particulier une lettre d'amour qui n'a finalement jamais pu être expédiée...

LA FENETRE D'EN FACE, dont le propos s'enrichit au fur et à mesure que l'intrigue se développe, est un film attachant et original, même s'il touche parfois aux limites du mélodrame classique. A noter l'excellente prestation de tous les acteurs, en particulier celle de Giovanna Mezzogiorno, dans le rôle difficile d'une jeune femme dont la sensibilité est toujours à fleur de peau. Une mention aussi - et surtout - à Massimo Girotti, dont c'est le dernier film: LA FENETRE D'EN FACE est ainsi un hommage à cet acteur qui vient de disparaître (il a tourné, dès 1939, avec la plupart des grands cinéastes italiens, Visconti, Antonioni, Pasolini, Bertolucci, etc.). Girotti campe ici le portrait d'un homme blessé par la vie, mais qui trouve encore la force de transmettre à Giovanna l'énergie qui lui reste, parvenant ainsi à lui donner les moyens d'aller de l'avant. ""Je te reconnais en moi"", lui dira-t-elle après sa mort. Une conclusion pleine d'émotion pour un film riche, intelligent et beau."

Antoine Rochat