Stupeur et tremblements

Affiche Stupeur et tremblements
Réalisé par Alain Corneau
Pays de production France
Année 2002
Durée
Genre Comédie dramatique
Distributeur Bac Films
Acteurs Sylvie Testud, Kaori Tsuji, Heileigh Gomes, Eri Sakai, Taro Suwa
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 455
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Découvrir ou redécouvrir l'empire du Soleil Levant à travers le dernier film d'Alain Corneau est un plaisir. Intelligent et drôle, il rappelle que les ""ailleurs"" sont d'autres mondes, à prendre tels qu'ils sont.

""On ne peut devenir autre chose que ce que l'on est, mais on peut chercher à comprendre qui l'on est"", rappelle Alain Corneau qui illustre cet aphorisme avec une remarquable perspicacité. STUPEUR ET TREMBLEMENTS est tiré du roman du même nom qu'Amélie Nothomb a écrit d'après sa propre expérience. C'est donc le rôle de l'écrivain que tient Sylvie Testud, dans une composition étonnante, qui lui aura notamment valu des efforts exemplaires dans l'apprentissage de la langue japonaise.

Amélie est née au Japon. A 5 ans, elle a quitté ce pays dont elle conserve des souvenirs de plénitude. Celle des jardins secs, par exemple, qu'elle admirait, petite fille, assise sur les marches d'un temple de Kyoto. Elle veut retrouver cet extraordinaire royaume de l'esthétique, les bonheurs secrets de sa méditation. Mais le Japon est un pays de paradoxes. En parallèle à la richesse de son expression artistique, il a développé la vie trépidante des pays occidentaux. Amélie est engagée par la compagnie Yumimoto, l'une de ces entreprises qui occupent une tour dans la forêt de buildings de Tokyo. Elle peut y admirer ce paysage urbain qui la fascine en se ""défenestrant"", comme elle dit, lorsque l'atmosphère du bureau lui est par trop touffue. Elle l'est souvent. Car la jeune occidentale ne peut faire usage ni de ses diplômes, ni de sa parfaite connaissance du japonais. Femme, elle doit commencer par le début, c'est-à-dire servir le café.

Amélie a beau avoir vécu dans ce pays, elle n'en connaît pas la moindre articulation. Son expérience d'employée de bureau se noie dans un burlesque qui lui révèle autant une mentalité collective que ses propres limites. Pour autant, elle ne perd pas de vue la pureté rencontrée dans l'enfance. Elle la voit qui s'anime chaque jour, c'est le visage de Fubuki (Kaori Tsuji), sa supérieure directe. Toutefois, pureté des lignes ne signifie par forcément pureté de l'âme. Dans le contexte professionnel, la lutte est âpre pour obtenir de l'avancement.

Film sur la découverte d'autres façons de vivre, film sur la différence de pensée, film sur le voyage en fin de compte, le dernier long métrage d'Alain Corneau surprend par la singularité de son sujet et enchante par son traitement. Accompagné en grande partie par les Variations Goldberg de Bach dont la mathématique rappelle en douceur les règles assimilées par les Nippons, il alterne entre l'ordre et le désordre, l'organisation japonaise et le marasme occidental. L'antagonisme des deux visions se vérifie constamment, leur opposition fait comprendre aux personnages qui ils sont, irréconciliables mais justes, chacun à sa place. ""En tant que spectateur d'un film, j'ai d'abord envie de vivre un destin qui n'est pas le mien et de m'y retrouver, explique Alain Corneau. Voyager, c'est pareil: on découvre des lieux, des gens, mais au-delà de l'ailleurs exotique, ce qui compte c'est d'aller dans le regard des autres, de s'y perdre, mais pour savoir un peu mieux qui l'on peut être.""





Alain Corneau



Né en 1943. Cinéaste éclectique, Alain Corneau a tourné des films policiers et d'action, ainsi que des œuvres plus intimes: NOCTURNE INDIEN (1988) et TOUS LES MATINS DU MONDE (1991). ""De tous les voyages que j'ai faits, le Japon est sans doute le plus extrême. C'est le pays où le mystère de l'autre est le plus grand, mais il reste pour moi une énigme."""

Geneviève Praplan