En attendant le bonheur

Affiche En attendant le bonheur
Réalisé par Abderrahmane Sissako
Pays de production Mauritanie, France
Année 2002
Durée
Genre Comédie dramatique
Distributeur Haut et Court
Acteurs Khatra Ould Abdel Kader, Maata Ould Mohamed Abeid, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed, Nana Diakité
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 438
Bande annonce (Allociné)

Critique

"A travers le personnage d'Abdallah qui attend une occasion de s'embarquer pour l'Europe, le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako parle de l'Afrique. Lentement, avec beaucoup de finesse et de poésie. Et sa réflexion est d'ordre universel.

On retrouve dans HEREMAKONO un ou deux des thèmes déjà présents dans le précédent film de Sissako, LA VIE SUR TERRE, 1998 (CF nn. 368 et 370): l'exil et le déracinement, les relations Nord-Sud, les traditions ancestrales.

A Nouadhibou, petite ville arrimée à une presqu'île de la côte de Mauritanie, Abdallah vient retrouver sa mère, en attendant de partir, comme d'autres, pour l'Europe. Dans ce lieu d'exil et d'espoirs fragiles le jeune homme - qui ne connaît presque plus personne et ne comprend plus le dialecte local - essaie de déchiffrer l'univers qui l'entoure, aidé en cela par Khatra, un jeune garçon qui lui enseigne quelques mots de sa langue pour qu'il puisse rompre le silence qui l'entoure.

Il n'y a pas d'histoire proprement dite - il faut le savoir - dans EN ATTENDANT LE BONHEUR, mais une suite de tableaux: le film est une chronique quotidienne de l'existence (sans remarque d'ordre critique sur le monde social ou politique) en même temps que l'émergence, transcrite en de très belles images, d'un rêve, celui d'Abdallah, le personnage qui est un peu le fil rouge du film. EN ATTENDANT LE BONHEUR est une sorte de lente méditation poétique sur la vie en Afrique, sur le respect de l'autre, sur le temps qui passe, dans un petit port qui semble déjà envahi par le sable.

""Ces lieux sont comme des parenthèses, ce sont des lieux provisoires"", dit le réalisateur. Entre l'eau de la mer et le sable du désert. Les Maliens appellent ces villes de transit des ""Heremakono"" (des ""attentes de bonheur""). Des lieux synonymes d'espoirs, de promesses de liberté. Des passages qui, pour Abdallah, se situent entre un passé qu'il a déjà quitté et un avenir qu'il ne distingue pas encore très bien. Le jeune homme est à l'intersection de deux mondes, celui de Maata, le vieux pêcheur devenu aveugle et qui regrette de ne plus pouvoir repartir en mer, et celui de Khatra, son jeune apprenti, qui rêve de devenir électricien et qui est peut-être l'image de celui qui restera au pays pour y apporter un peu de lumière... A côté d'eux il y a aussi Makan, qui comprend qu'il est trop tard pour s'en aller, et Nana, pleine de générosité, abandonnée avec son enfant, et qui se débrouille dans la vie en vendant ses charmes. Sans oublier la très belle voix d'une petite fille à qui une vieille femme, mémoire de toutes les traditions, transmet les chants de ses ancêtres.

Tous ces personnages se croisent sous nos yeux, leurs regards rivés sur l'horizon, en attendant un hypothétique changement de vie. Et cette attente, Sissako la décrit avec beaucoup de finesse, par petites touches, en mélangeant l'émotion et la surprise, la tendresse et l'humour.

EN ATTENDANT LE BONHEUR est comme imprégné d'un profond sentiment de solitude et d'exil. Quelques véhicules ou un train passent de temps en temps, une installation électrique tombe en panne, des cargos rouillés sont échoués le long de la côte, un cadavre découvert sur la plage rappelle peut-être les risques qu'il y a à vouloir s'embarquer et quitter le pays à tout prix. Et que l'Europe n'est pas toujours une terre d'accueil. Fatalisme et désespoir ne sont pas loin. Dans de longs plans-séquences, le réalisateur donne la priorité aux couleurs et à la poésie, aux chants et aux sons. La qualité de ce film est avant tout d'ordre plastique et il s'adresse essentiellement aux yeux. Le soleil brille sur la mer, les couleurs des étoffes éclatent sur le blanc du sable. La beauté des images laisse entendre, avec la clarté de quelques lumières qui persistent, que tout n'est peut-être pas perdu.





Abderrahmane Sissako



Né en 1961 en Mauritanie, Abderrahmane Sissako passe son enfance et son adolescence au Mali. Il vit ensuite dix ans à Moscou où il se forme à l'Institut de cinéma. Installé en France depuis l992, il poursuit un œuvre où se mêle fiction et documentaire, politique et poésie."

Antoine Rochat