Critique
"Sous un vernis à moralité doucement provocante se cache une réflexion intelligente sur des thèmes plus profonds: l'apprentissage de la liberté, de la douleur de naître à la douceur de la vie.
Pour son premier long métrage, Diego Lerman n'a pas choisi la facilité: l'histoire de personnages ambigus (deux filles punks, Mao et Lénine) ou mal dans leur peau (Marcia partage sa vie entre un travail terne de vendeuse, le rêve d'un prince charmant et ses kilos en trop), le tout filmé en noir-blanc et sur les week-ends, seuls moments où techniciens et acteurs étaient tous libres.
Qu'à cela ne tienne! Le noir et blanc, donne force et gravité à TAN DE REPENTE, alors que l'originalité de l'écriture et des cadrages apporte au film une rafraîchissante vitalité. La première copie de TAN DE REPENTE sort du laboratoire le 14 avril. Le 16, le film récolte deux des dix prix qu'il obtiendra en 2002 dans des Festivals d'Europe et d'Amérique latine (notamment un Léopard d'Argent à Locarno).
Manifestement, le réalisateur a su faire prendre la mayonnaise. L'histoire est simple: Mao, voyant par hasard la plantureuse Marcia, tombe immédiatement amoureuse. Pour lui prouver son amour, elle détourne un taxi et l'emmène très loin de là, au bord de la mer, parce que personne jusqu'ici ne lui avait donné l'occasion de la voir de ses propres yeux.
Lénine, amante de Mao, fait partie du voyage. Elle se rappelle qu'elle a une tante dans une ville proche. Le trio fera de la maison de cette vieille tante la principale escale de son voyage initiatique. Car l'essentiel de ce film, c'est l'évolution des trois jeunes femmes vers une liberté nouvelle. Chacune vit une profonde métamorphose qui la rendra plus lucide sur elle-même lorsque la vie reprendra.
La vieille tante - que Lerman, très touché par la mort subite de sa grand-mère, n'intégrera que lors d'une troisième réécriture du scénario - agit comme révélateur et comme pilier autour duquel le récit trouve son axe. Elle incarne la racine familiale. A sa nièce Lénine, elle permettra de retrouver son vrai prénom (Véronica) et la force de prononcer deux syllabes jusque-là pétrifiées: ""Maman"". A tout le petit monde rassemblé autour d'elle, la vieille Blanca apprend spontanément la vie et la joie.
Et soudain, après avoir bu, dansé, et demandé une dernière cigarette - ""Celle de minuit, elle est sacrée!"" -, tante Blanca meurt, laissant chaque fille devant un choix. Sans doute, sommes-nous là sur le seuil de l'âge adulte, quand bien même chacune est depuis longtemps sortie de l'adolescence. Quand bien même chacune à sa manière a déjà dans sa vie, touché le fond de quelque chose.
Et c'est bien parce que ces jeunes femmes sont blessées, mais riches aussi d'un passé que le scénario tait, que cette petite première œuvre a beaucoup à nous dire sur nos itinéraires d'êtres humains en constante recherche de liberté.
Diego Lerman
Diego Lerman est né à Buenos Aires le 24 mars 1976, jour du coup d'état militaire en Argentine. Etudes de cinéma à Buenos Aires, puis à Cuba, cours de théâtre avec Ricardo Bartis. Court métrage remarqué en 1999 (LA PRUEBA). TAN DE REPENTE obtient de nombreux prix (Prix Arte au Festival des trois continents de Nantes, Léopard d'Argent et Mention spéciale du Jury à Locarno, Prix de la meilleure actrice pour Beatriz Thibaudin à Biarritz. Après la réalisation marathon de TAN DE REPENTE, le réalisateur est accueilli en octobre 2002 à la Résidence du Festival de Cannes (Cinéfondation) où il travaille encore à l'écriture de son prochain film."
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