Critique
"Ce récit d'une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait Stefan Zweig, est l'une des plus incontestables réussites de l'écrivain autrichien. On ne peut pas en dire autant du film que Laurent Bouhnik a réalisé à partir de ce roman. A sa décharge, il faut souligner que l'adaptation de cette nouvelle est une gageure qu'un seul réalisateur avait tentée jusque-là, Dominique Delouche, en 1967. A partir de la présence de trois personnages, dont le narrateur, et d'un minimum d'action, il faut s'appeler Visconti ou éventuellement Resnais pour réussir à mettre valablement en images une analyse de comportement, une perception de sentiments exacerbés, une passion, des sensations intimes telles que celles décrites par le romancier. ""Zweig est un piège à scénaristes, a écrit Christophe Carrière. Ne pas se fier à la minceur de ses livres: tout se passe entre les lignes."" Même si Laurent Bouhnik a jugé bon d'imaginer une temporalité contemporaine par l'adjonction de deux nouveaux personnages, il n'a pu s'empêcher de tomber dans le piège.
Le résultat n'est donc pas à la hauteur des efforts du réalisateur et de notre attente. Par l'utilisation abusive d'images léchées, de longs travellings et de recherche d'esthétisme, la réalisation ne fait qu'accentuer le sentiment de vide et de prétention qui se dégage de l'ensemble. Si l'on ajoute encore que le choix d'Agnès Jaoui dans le rôle de l'héroïne n'est pas des plus judicieux, il ne nous reste décidément qu'à relire ce roman sublime."
Georges Blanc