Vif(Ff)S Éclats De Rire À Vevey

Le 15 novembre 2023

Le public du Vevey International Funny Film Festival (VIFFF), plus nombreux d’année en année, a eu l’occasion d’exercer ses zygomatiques du 26 au 29 octobre derniers. Cette 9e édition célébrait, entre autres, le voyage dans le temps, l’absurde hongkongais ainsi que l’œuvre de son invité d’honneur, Jean-Marie Poiré. Ne ratant jamais une occasion de se payer une bonne tranche de rigolade, une partie de la rédaction de Ciné-Feuilles a exploré la programmation de la Compétition internationale, avec une petite incartade en territoire annexe du côté de l’Ouest, et vous livre ici son compte-rendu.


Compétition internationale


Avez-vous déjà rêvé de quitter votre travail pour enfin profiter de la vie comme vous l’entendez? Ce rêve, Drew l’a réalisé. Seulement voilà, une fois la démission posée, la situation ne se révèle pas si idyllique, le jeune homme se retrouvant désœuvré face à tout ce temps libre. Plein d’ironie, à la fois drôle et déprimant, Free Time (USA, 2023) joue sur les moments de malaise. Il critique également la dimension vaine et superficielle de certaines relations, et le système capitaliste qui veut nous faire penser que, sans emploi, on ne vaut pas grand-chose. Le cycle d’éternelle insatisfaction que dépeint le film n’est certes pas des plus optimistes, mais ce dernier a tout de même le mérite de représenter une triste réalité sous le prisme de l’humour grinçant.


Thomas, pigiste au Courrier picard, est chargé de faire le portrait d’Usé, un artiste atypique qui s’est brièvement engagé en politique. Lorsque les deux comparses tombent sur un corps inanimé qui reprend vie, un road trip déjanté s’entame. Loin de tout chemin balisé, Tout fout le camp (France, 2022) est autant une réflexion punk et caustique (sur l’amitié, mais aussi la situation d’un pays en crise) qu’une épopée étonnamment touchante qui fait fi des différences. Une recette qui aura su séduire le Jury des jeunes, puisqu’il lui a décerné son Prix.


Le Prix du public a quant à lui trouvé preneur auprès de Scrapper (Royaume-Uni, 2023), qui expose la naissance d’une relation père-fille, le premier étant resté aux abonnés absents durant douze ans et la deuxième ayant dû apprendre à vivre seule après le décès de sa mère. Un point de départ alléchant et un cadre propice à des péripéties espiègles faisaient miroiter de belles promesses. Cependant, avec une esthétique se voulant branchée et décalée mais qui tombe à plat, une intrigue cousue de fil blanc et qui sent le réchauffé, ainsi qu’une dynamique ratée entre les personnages (alors qu’il s’agit là du point névralgique du film), le résultat final peine malheureusement à convaincre.


Avec L’Étoile filante (Belgique/France, 2023), avec leur cinquième long métrage, le duo Abel et Gordon emprunte les codes du polar pour en faire une comédie burlesque douce-amère dont ils ont le secret. Boris, ancien activiste devenu barman, est retrouvé par une de ses victimes qui tente de se venger. Afin de sauver sa peau, il décide de se faire remplacer par Dom, un sosie rencontré par pur hasard. Mais c’est sans compter sur Fiona, l’ex-femme de Dom, détective privée de son état… En maniant les références (on pense autant à Kaurismäki qu’à Chaplin ou Keaton), Abel et Gordon offre un superbe film qui oscille entre la douceur du drame et la violence de la poésie… ou l’inverse.


À la suite d’un événement inconnu ayant éliminé toute vie sur Terre, deux amis (interprétés par les impeccables Sterling K. Brown et Mark Duplass, et qui portent ce huis clos à eux seuls pendant 1 h 45) trouvent refuge dans un dôme autosuffisant et doivent s’adapter tant bien que mal. Merveilleux représentant du mumblecore1 Biosphere (USA, 2022) est donc un film très verbeux, mais surtout intelligent, émouvant et drôle, qui évite les écueils dans lesquels il aurait pu tomber, notamment après le retournement de situation arrivant dans son premier tiers. Dévoilant petit à petit des informations sur le passé du duo, tout en laissant une part de mystère sur certains points, il construit une atmosphère particulière qui garde notre intérêt éveillé, malgré le manque d’action.


Dans un minuscule village argentin, Rita est une croyante exaltée. Une ferveur qui l’incite à être prête à tout pour témoigner d’un miracle, et à devenir, un jour, une sainte. Lorsque son existence prend un tournant inattendu (l’occasion d’un revirement du petit malin dont le film aurait pu se passer), elle se découvre une toute nouvelle vie. Après une première partie poussive, et franchement ennuyeuse, Chronicles Of A Wandering Saint (Argentine/USA, 2023) parvient à insuffler une once de poésie à son récit, mais toujours de manière trop maladroite pour convaincre.


D’une satire du monde du travail à une autre, Mondays: See You «This» Week (Japon, 2022), qui a remporté le précieux VIFFF d’or, raconte les mésaventures d’employés de bureau bloqués dans une semaine infinie, pendant laquelle ils doivent s’efforcer d’ouvrir les yeux de leurs collègues sur le phénomène, tout en continuant à bûcher sur leur projet de publicité. Malgré quelques répétitions inhérentes à la mécanique de boucle temporelle et grâce à des personnages attachants et à des idées scénaristiques savoureuses, le film parvient à dresser en filigrane une peinture acerbe de la culture du travail japonaise et de ses excès. En parallèle, il livre également un message plus réconfortant sur l’esprit d’équipe et l’importance de réaliser ses rêves, aussi ordinaires soient-ils.


VIFFF Explore


Avec Journey To The West (Chine, 2021), sensation du dernier Festival de Rotterdam, le premier long métrage de Dashan Kong commence par une scène hilarante. Elle se déroule façon faux documentaire à la Ricky Gervais (The Office), dans laquelle le personnage principal, Tang Zhijun, est enfermé dans une combinaison spatiale jusqu’à l’apoplexie, et dont des ambulanciers et des pompiers tentent successivement de délivrer le pauvre bonhomme de sa prison vitrée. L’on s’attend alors à une démonstration comique, mais le film prend une tout autre tournure: celle d’un film bien plus contemplatif que burlesque. En effet, avec Tang, on vogue dans une quête utopiste d’intelligence extraterrestre, dans une campagne chinoise magnifiée par une photographie naturaliste. Dans l’improbabilité des scènes comiques (jusqu’à oser le fantastique de la fin), celle-ci ne cesse de détoner. Ce mélange des genres rend Journey To The West particulièrement unique, ambitieux et prometteur. On sait qu’un premier film est réussi lorsqu’il trouve son identité propre, et particulièrement si l’on cesse d’être saisi par la surprise. Un réalisateur à suivre donc de très près.

Marvin Ancian, Amandine Gachnang et Pierig Leray