L'édito de Marvin Ancian - On va vers le beau?

Le 20 mars 2024

On les avait déclarées mortes et enterrées lors du confinement lié à la pandémie de Covid-19. Une espèce en voie d’extinction à cause d’habitudes devenues trop pantouflardes, la faute, entre autres, aux plateformes de streaming. Et pourtant, en 2023, les salles de cinéma ont vu leur fréquentation augmenter de 20% par rapport à l’année précédente.

Les rouleaux compresseurs tels que Barbie ou Oppenheimer - en plus de constituer la saga de l’été Barbenheimer - ont inévitablement joué leur rôle de superproduction en boostant les entrées des multiplexes. Mais certains lieux indépendants ont enregistré un nombre de billets vendus dépassant celui de 2019 (alors que la moyenne nationale se situe encore 16% en dessous de cette année record). Pour cela, ces petites structures se sont recentrées sur l’essentiel: l’humain et l’événementialisation, deux facettes dont il est bien difficile d’obtenir une télécommande à la main. Une offre unique et exceptionnelle (au sens propre du terme) qui semble fonctionner. Le public se déplace pour retrouver le plaisir du grand écran, et parfois même pour des films exigeants et peu distribués (les succès, à leur échelle, de La Chimère d’Alice Rohrwacher ou Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, par exemple).

De manière plus risible, certaines salles ont tenté de s’en sortir en proposant une offre prestige, remplaçant les fauteuils par des sofas et le pop-corn par des coupes de champagne…

Peu importe la méthode, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2023, en Suisse, plus de 10 millions de personnes se sont échappées de leur canapé pour profiter de la magie du grand écran. En marge de ces valeurs statistiques, en l’espace d’un mois, deux cinémas (re)voient le jour à Lausanne. Le Capitole, inauguré en grande pompe fin février et Le Cinématographe, ancienne petite salle de la Cinémathèque, qui s’apprête à être réinvestie.

Sans pouvoir crier à la résurrection ou la prolifération d’antan de l’espèce, il semblerait que les nuages noirs de la pandémie se dissipent. De là à annoncer un immuable ciel bleu, il est encore trop tôt. Le Capitole remplira-t-il les 736 fauteuils de sa salle Freddy Buache? Le Cinématographe parviendra-t-il à attirer son public? Difficile de répondre à ces questions. En attendant, profitons de l’éclaircie pour faire ce que nous préférons, qu’il vente ou qu’il pleuve: nous enfermer dans les salles obscures.