L'édito de Marvin Ancian - Schizophrénie cannoise

Le 07 juin 2023

Nul besoin d’être assidu de l’actualité du 7e art pour savoir que la 76e édition du Festival de Cannes s’est déroulée du 16 au 27 mai derniers. Cette orgie cinématographique est l’occasion rêvée de prendre le pouls des futures sorties et de découvrir les films qui rythmeront l’année à venir (à ce point, comment ne pas évoquer le monumental The Zone Of Interest de Jonathan Glazer qui a conquis les membres de notre rédaction présents sur la Croisette). Malgré quelques regrets liés à l’impossibilité de caser certaines séances dans un planning déjà bien rempli, le bonheur cinéphilique est indéniable. Et pourtant, comme à chaque édition, le soleil azuréen alterne avec la pluie, et un sentiment doux-amer s’installe…

D’un côté, l’offre pléthorique de films donc, que seuls les cinéphages de mauvaise foi renieraient. De l’autre, un monde complètement déconnecté de la réalité. Cette même réalité qui tente d’être racontée à chaque nouvelle œuvre (ou presque) de cet art que nous chérissons tant. La facette m’as-tu-vu et tapageuse du festival ne peut, hélas, être dissociée de son pendant artistique. Pire, elle prend régulièrement le dessus et le cinéma est bien trop souvent laissé de côté. Et nous, tiraillés entre passion et répulsion. De la sempiternelle - et de plus en plus désuète - montée des marches à la starification à l’excès du moindre bout de tenue de soirée qui se dévoile sur le tapis rouge, en passant par les soirées où l’alcool coule gratuitement à flots et où il est bon de se faire voir, la surenchère tend vers l’absurde. Comment, face à ces sentiments si opposés, ne pas sentir poindre une bipolarité entre amour inconditionnel des expériences vécues dans les salles obscures et dégoût total de ce qui s’y joue à l’extérieur? Vaste dilemme qui anime nos cœurs de cinéphiles d’année en année.

Mais rassurez-vous, comme en atteste le compte-rendu cannois présent dans ce numéro, c’est bien de cinéma dont nous continuerons à vous parler dans nos pages. La schizophrénie ne nous ayant pas encore gagnés, nous préférerons toujours la lumineuse pénombre des projections aux sombres scintillements des paillettes.