L'édito de Sabrina Schwob - Quels rôles pour la critique?

Le 24 septembre 2020

Depuis juin de cette année, une nouvelle équipe éditoriale a repris les rênes des Cahiers du cinéma, à la suite de la démission de l’ancienne rédaction, conduite par Stéphane Delorme. Celle-ci, après le rachat de la revue par des hommes d’affaires et producteurs, craignait de voir sa liberté d’expression restreinte.

Le nouveau rédacteur en chef, Marcos Uzal, ancien collaborateur de Libération Cinéma et Vertigo, estime que ce n’est pas le cas, selon des propos recueillis par Jérôme Lefilliâtre1.

Il semble de plus vouloir poursuivre l’aspect engagé de la revue, qui la caractérisait jusqu’alors, moins par des propos nécessairement militants - les éditos étaient dans ce sens-là explicites -, que par une attention portée à la forme des films: «Dans le cinéma, la politique passe par des choix formels, des points de vue et pas seulement par des messages».

Si la critique ne peut selon nous se passer d’analyser la manière dont le style interagit avec le contenu - et c’est peut-être là ce qui la distingue essentiellement d’autres formes de jugement sur le cinéma ou du simple avis -, y a-t-il aujourd’hui un lectorat pour des analyses purement esthétiques des films?

On se souvient du scandale qui a agité la cérémonie des César, lorsqu’elle a récompensé Polanski pour son film J’accuse, provoquant ainsi une levée de boucliers, conduite par Adèle Haenel. S’il y en a, notamment parmi la jeune génération, qui se refusent à distinguer l’œuvre, non seulement de son contexte politique ou historique, mais (surtout) des actions de son créateur, d’autres adoptent une position strictement inverse. Comme l’Académie des César, qui a récemment accepté le réalisateur polonais en tant que membre historique parmi ses nouveaux représentants de son assemblée générale. Indépendamment de la question de la culpabilité, la provocation est là, compte tenu de la polémique qui précède, même si elle vise à défendre une conception autonome de l’art.

Et Ciné-Feuilles dans tout ça? Avec des sensibilités différentes, des regards sur les œuvres plus ou moins médiées par la figure du réalisateur et ses actes, accordant ou non une place prépondérante au contenu politique de l’œuvre, nous estimons essentiel le dialogue entre la forme et le fond. A l’image d’Ondine de Christian Petzold, où la réflexion sur Berlin et la mémoire se mêle sensiblement à une histoire d’amour et à la mythologie germanique.


1 Entretien de Jérôme Lefilliâtre avec Marcos Uzal pour Libération, le 3 juin 2020.