L'édito de Sabrina Schwob - Personnages en quête d’histoire

Le 06 octobre 2021

En retenant quelques films de ce numéro, notamment ceux mis en avant, on constate leur caractère hétéroclite. Pourtant, plusieurs d’entre eux ont en commun la manière de dessiner, en creux ou non, l’histoire, à travers leur personnage. Julie (en 12 chapitres), dont la protagoniste et les méandres amoureux évoquent quelque peu celle des Amours d’Anaïs, tente de saisir l’évolution des relations de couple en adéquation avec les changements sociétaux. Des femmes qui s’inscrivent ainsi dans l’instant et qui refusent la transcendance d’un amour, comme Monica Vitti en son temps dans L’Éclipse d’Antonioni (1962).

A priori bien éloigné de ces films proches de nos vies quotidiennes, le tant espéré Mourir peut attendre présente un Daniel Craig qui, malgré ses gadgets, descend de son piédestal pour se montrer toujours plus humain, plus vulnérable. Chute des idoles donc, loin la grandeur initiale, en adéquation avec la désillusion régnante.

Careless Crime du réalisateur iranien Shahram Mokri, que nous affectionnons particulièrement, superpose plusieurs strates, entre passé et présent mais aussi entre les images dans le film et l’univers fictionnel pour mieux souligner la manière dont ces premières déterminent les secondes. Dans ce film, il s’agit bien moins d’appréhender la société à travers la psychologie de protagonistes que de montrer comment ceux-ci sont retenus dans les filets de l’histoire, tout comme les personnages de La Fête du feu dont les conflits et les bouillonnements intérieurs font écho aux tensions extérieures, obstacles à leur épanouissement.

À l’image du pêcheur de Gaza mon amour - pendant fictionnel du magnifique Apollon de Gaza (Nicolas Wadimoff) -, dont la réalité aura tôt fait de le rattraper quand celui-ci parvient, le temps d’un instant, à l’oublier.