Les Toiles de Milan 2022: regards écologiques

Le 24 août 2022

La dernière semaine du mois de juillet accueillait la 6e édition de l’open air lausannois Les Toiles de Milan, qui se déroulait en deux temps au sein de deux espaces emblématiques du parc de Milan: le Jardin botanique en début de semaine, puis la pelouse centrale pour les projections du week-end.


Cette année, la programmation de longs métrages entièrement gratuite proposée par l’association Les Toiles s’articulait autour d’une thématique profondément actuelle: la question écologique et l’impact dévastateur de l’activité humaine sur notre planète. Dans l’idée de faire découvrir des œuvres récentes mais peu connues dans le cadre de projections tout public, la manifestation proposait différents films touchant de près ou de loin à cette problématique.


En ouverture du festival, l’écrin du Jardin botanique a accueilli la projection de l’étonnant Poissonsexe d’Olivier Babinet (2019), un long métrage imaginatif mettant en scène Gustave Kervern dans le rôle d’un scientifique débraillé tentant désespérément de faire se reproduire des poissons dans un monde futuriste ayant connu la disparition quasi totale des espèces aquatiques. En parallèle, le personnage espère trouver l’amour, car il souhaite plus que tout avoir des enfants. À partir de ce synopsis improbable, le cinéaste plonge son spectateur dans un avenir pas si différent de notre présent, plus morne car privé de vies animales, dans lequel des personnages attachants se débattent pour trouver, malgré tout, une forme de sérénité. Cette première projection de l’édition 2022 restera dans les mémoires pour avoir été interrompue par une pluie torrentielle ayant contraint le public à se réfugier sous la tente abritant la régie. Fort heureusement, les dernières minutes du film ont été projetées à l’issue d’une des soirées suivantes pour satisfaire les spectateurs frustrés de ne pas en connaître le dénouement, et le ciel est resté dégagé durant toutes les autres séances de la semaine.

Par la suite, toujours au milieu du florilège de plantes du Jardin botanique, Les Toiles ont présenté le documentaire Animal de Cyril Dion (2021, voir CF n. 868), suivant la trajectoire de deux enfants - une fillette anglaise et un garçon français - très impliqués dans la lutte pour le climat. Le réalisateur les emmène à travers le monde pour découvrir les dessous économiques et politiques de la catastrophe écologique actuelle, mais également pour rencontrer des individus luttant à leur manière pour sauver certaines espèces animales. Si le propos du long métrage est prenant et la passion de certains intervenants communicative, le film ne parvient pas à utiliser pleinement les possibilités qu’offre la forme filmique pour étoffer son propos. En résulte un objet au discours pertinent, mais qui s’apparente plus à un reportage télévisuel qu’à une véritable œuvre cinématographique. Notons que la diffusion du film a été précédée par un débat autour des jardins urbains, qui a connu une participation active du public venu en nombre.

Pour ouvrir ses projections «grand format» sur la pelouse centrale du parc, le festival estival proposait le long métrage Pig de Michael Sarnoski (2021), narrant la quête d’un ermite hirsute, incarné par Nicolas Cage, quittant la forêt où il vit dans l’espoir de retrouver le cochon truffier qui lui a été dérobé. Avec une belle photographie dans des teintes sombres, le cinéaste parvient à traiter sur un ton dramatique et maîtrisé cet événement en apparence anodin, et plonge son spectateur dans les méandres d’une sorte de mafia de l’alimentation prête à tout pour… des truffes!

Cette édition 2022 s’est clôturée avec le film de science-fiction Le Dernier Voyage de Romain Quirot (2021), plaçant lui aussi en son centre la question écologique: dans un monde futuriste, l’être humain a pillé toutes les ressources d’une lune rouge qui menace d’écraser la Terre. Un seul homme est capable de la détruire, mais il est en cavale pour chercher à faire la lumière sur son passé. Si le récit et les personnages sont très convenus et donnent une impression de déjà-vu, la photographie est impressionnante, tout comme les effets spéciaux - d’autant plus lorsqu’on sait qu’il s’agit d’une production française.


Enfin, Les Toiles de Milan proposaient une belle sélection de courts métrages, sélectionnés avec le concours de l’association Base-Court. Les cinéastes à l’origine de ces œuvres, projetées en avant-programme de la plupart des longs métrages, étaient souvent présents pour introduire leur film et échanger avec le public. Parmi les belles découvertes de cette sélection, citons Action de Benoît Monney (2022), un film tourné en un seul plan-séquence décrivant les dessous tragi-comiques des plateaux de tournage, également projeté cette année dans la sélection officielle du Locarno Film Festival.


En somme, l’édition 2022 des Toiles de Milan, largement fréquentée chaque soir par un public de tout âge, a été une belle occasion pour les cinéphiles passant leur été à Lausanne de découvrir des films méconnus et toujours surprenants.