Le Grand Entretien : Vania Aillon

Le 01 novembre 2023

Le Festival FILMAR en América Latina célèbre son quart de siècle avec une édition exceptionnelle du 17 au 26 novembre 2023. Au cœur de cette édition anniversaire, le Festival dévoile 60 longs et courts-métrages, dont 35 avant-premières suisses, issus d’une dizaine de pays d’Amérique latine. Une vingtaine de personnalités du cinéma, des artistes et des militant·e·s indigènes ont annoncé leur présence. Nous avons interviewé pour l'occasion sa directrice, Vania Aillon.



Comment avez-vous été amenée à vous intéresser au cinéma, et plus précisément au cinéma latino-américain ?

 

Je suis fille de réfugiés chiliens exilés et j’ai fait des études de cinéma dans une école d’art. C’est un domaine où il était possible de me projeter dans des rêves et des fantasmes, mais aussi dans un environnement militant dans lequel j’ai grandi. Ensuite, les choses se sont reliées enchaînées. J’ai été assistante en cinéma à la HEAD, puis il y eut cette opportunité avec le Festival FILMAR en América Latina. Cela correspondait à ce que je cherchais, d’une part au niveau du cinéma et d’autre part à mon engagement.


Est-ce que vous avez des références-phares, des films ou des réalisateurs qui ont particulièrement marqué votre parcours ? 

 

J’ai plusieurs références importantes en dehors du cinéma latino-américain, par exemple : Abbas Kiarostami ou Jane Campion. Quant au cinéma latino-américain, Jorge Sanjinés a représenté un bouleversement, notamment avec le cinéma indigène et pour le symbolisme. Je suis aussi Fernando Solanas et Glauber Rocha, qui sont liés au néo-réalisme italien. Plusieurs choses se sont jouées de ce côté-là pour moi. Dès mon arrivée à FILMAR, j’ai découvert un autre univers du cinéma latino-américain actuel composé des différents langages cinématographiques que cela implique.


Voyez-vous des tendances s’esquisser dans les cinématographies latino-américaines ?

 

En suivant ce qui se passe au niveau des financements par rapport aux différentes industries nationales, j’ai été surprise de voir autant de films mexicains. Je ne m’y attendais pas, car l’État mexicain réduit des subventions en matière de cinéma. La réalisatrice Tatiana Huezo revient cette année à FILMAR avec un long-métrage extraordinaire El Eco. Nous aurons aussi l’avant-première du film No voy a pedirle a nadie que me crea de Fernando Frías de la Parra, qui sortira ensuite sur une plateforme en ligne.


La question des peuples indigènes est aussi une cause que FILMAR en América Latina a largement contribué, et contribue encore, à faire connaître auprès des publics européens.


En miroir à ces lignes de force, quels seront les focus de la programmation cette année ? 

 

Comme je le mentionnais, des films sur les peuples indigènes seront assez présents. Au-delà de la tendance actuelle, nous sommes nombreux à les regarder depuis longtemps. Ils font partie d’un mouvement qui a lancé une réflexion sur quels objets cinématographiques on peut trouver et comment les filmer. FILMAR essaie de compter dans sa programmation des films forts montrant la diversité et la richesse des cinématographies latino-américaines. Il nous est primordial de projeter des films de différentes provenances géographiques qui nous tiennent à cœur.


Un ou plusieurs coups de cœur parmi la riche programmation de la prochaine édition ?

 

Il y aura Blondi, le premier long-métrage de l’actrice Dolores Fonzi et d’autres films mexicains récents. FILMAR proposera aussi cette année des comédies comme Puan de María Alché et Benjamín Naishtat. Le cinéma argentin excelle dans ce domaine. Ce sont des œuvres bien écrites avec des personnages intéressants et d’excellents jeux d’acteurs. C’est un plaisir de les voir et de les partager. Nous aurons aussi de nombreuses avant-premières que le public pourra découvrir durant le festival.

La grande soirée d’ouverture des 25 ans de FILMAR se tiendra à l’Alhambra, avec un Totém de la réalisatrice mexicaine Lila Avilés, une performance inédite et un concert. Plusieurs fêtes sont par ailleurs prévues dans la ville, pendant le festival. Il est important pour nous de marquer cet anniversaire. Un grand nombre de personnes ont travaillé pour ce festival et l’ont fait grandir. Il est né de la passion d’un groupe d’étudiants pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : une voix de plus pour les films latino-américains. FILMAR bénéficie en outre d’une reconnaissance du public et des autorités de la Ville de Genève. Ce travail a été fait conjointement avec tous les gens qui ont participé au Festival et nous en sommes fiers.


Propos recueillis par Noémie Baume