Le Grand Entretien : Amanda Nell Eu

Le 20 mars 2024

Amanda Nell Eu a reçu pour son film Tiger Stripes le prix H.R. Giger «Narcisse» du Meilleur film (catégorie Compétition internationale) de la dernière édition du Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF). Cette prometteuse réalisatrice malaisienne formée à Londres a également remporté le Grand Prix lors de la dernière Semaine de la critique à Cannes pour ce premier long métrage de fiction.


Pouvez-vous nous parler de l’aspect fantastique de votre film? Comment l’avez-vous intégré lors de l’écriture et dans la suite du processus?

En fait, dans mes films précédents, j’ai toujours joué avec des éléments de ce genre. Je suis très enthousiaste à ce propos. J’imagine que j’utilise ce genre comme une forme de sens de l’humour dans le but de ne pas prendre tout trop sérieusement. […] C’est une fille et elle se bat pour être elle-même. Je joue donc avec les éléments de ce genre, en les poussant à l’extrême. Par exemple, on qualifierait cette fille de monstre, alors je la transforme en vrai monstre. C’est mon sens de l’humour un peu particulier et très personnel.

     

Vos actrices sont-elles des professionnelles? Comment les avez-vous rencontrées?    

Nous avons eu beaucoup de workshops pour apprendre à jouer des rôles. Et pas seulement pour les trois rôles principaux, mais pour la trentaine de filles qui ont été impliquées dans le processus. Nous avons fait cela durant environ un an. Tout le monde a tissé des liens forts. Il y a eu cette «sororité» solidaire, cette confiance et ce respect. […] Toutes les personnes sur le tournage étaient proches dans ce sens-là.

Elles n’étaient donc pas des professionnelles. C’était la première fois qu’elles jouaient dans un film, voire qu’elles jouaient tout court. Les workshops ont beaucoup aidé.

À la base, je voulais me rendre dans de nombreuses écoles pour effectuer des castings, mais les confinements sont arrivés avec la pandémie. À la place, nous avons décidé de placer de la publicité sur Instagram. Beaucoup de jeunes sont sur ce réseau social, et ce d’autant plus durant le Covid. Nous avons rencontré environ deux cents jeunes filles initialement.

     

Comment s’est passé le tournage?

Nous avons eu une période de tournage d'une trantaine de jours avec une équipe relativement importante, constitué de personnes internationales, en raison des financements en provenance de l’étranger. C’était incroyable! À nouveau, nous avons beaucoup appris des uns et des autres. Et je suis très reconnaissante d’avoir travaillé avec des gens de différentes régions du monde qui ont compris l’histoire, et ont été émus par elle.

Le tournage était très amusant, bien que nous ayons bien sûr rencontré des difficultés liées au Covid. Nous avons également dû faire face à des inondations. Nous tournions dans des régions rurales et c’était très effrayant. Ces aventures ont rendu l’équipe très soudée, on s’est vraiment soutenus. Nous avons éprouvé beaucoup de plaisir, et l’énergie des filles était juste incroyable. Ce qui a rendu tout le monde plus heureux et vivant.

Nous avons tourné en Malaisie, pas en studio, mais dans de vrais lieux. L’école par exemple était véritablement une école.


Quels retours avez-vous eus après les projections en festivals?

Depuis Cannes, le film a voyagé à travers le monde, notamment en Europe et en Asie. […] Les spectateurs des différents environnements culturels se sentent concernés par l’histoire. Je crois qu’elle est incroyablement universelle. Et c’est pour cette raison que je me sens particulièrement touchée lorsque quelqu’un de Suisse vient me dire: « Ma fille est un tigre ». Et quelqu’un d’autre de Corée de me dire aussi: « C’est ce que j’ai traversé lorsque j’ai grandi ».


Propos recueillis et traduits de l'anglais par Noémie Baume