L’Attaque des Titans

Le 10 février 2021

De Tetsuro Araki et Masashi Koizuka

JAPON, 2020


DIFFUSION

Wakanim


SAISON 4

épisodes 1-8


ACTEURS (doublage)

Yuki Kaji (Eren Jäger)

Yui Ishikawa (Mikasa Ackerman)

Marina Inoue (Armin Arlelt)


SCÉNARIO

Yasuko Kobayashi

D’après le manga

de Hajime Isayama (Shingeki no Kiojin)


PRODUCTION

Studio Mappa


GENRE Drame, action, aventure, fantastique


MUSIQUE

Hiroyuki Sawano


ÂGE 18


NOTE 17

Malgré quelques lacunes, le début de cette saison finale de L’Attaque des Titans promet plus qu’elle ne déçoit. Et c’est avec un grand enthousiasme que nous l’accueillons, puisque sa promesse est de taille: asseoir son statut de chef-d’œuvre de l’animation japonaise.

Il y a un siècle, la majorité de l’humanité a disparu, décimée, exterminée par des créatures gigantesques, les Titans. Les derniers représentants de l’espèce humaine se sont alors réfugiés dans un territoire fortifié, protégé par des murs à la hauteur colossale. Eren, Armin et Mikasa sont trois jeunes vivant à l’intérieur de ces murailles, à l’abri des titans qui se trouvent à l’extérieur. Mais un jour, lors d’une après-midi légère, le mur qui protégeait la ville est détruit par le Titan Colossal, un titan à la taille cyclopéenne, ouvrant ainsi la voie au massacre de la ville. Plongé dans ce chaos, Eren, impuissant, assiste à la mort de sa mère. Dorénavant, il vivra assoiffé par son désir de vengeance.

Cette courte contextualisation dresse en réalité l’incipit du manga de Hajime Isayama, son ouverture, la mise en place de son univers. Depuis cette situation initiale, trois saisons, à la qualité exceptionnelle, sont passées. La trame narrative s’est logiquement éclaircie au gré des épisodes - certains mystères ont notamment été levés dont celui de l’origine des titans - ce qui rend difficile l’écriture de cette critique: que dire? et à l’inverse, que taire pour ne rien gâcher de la découverte de cette mythologie fascinante? Mais puisqu’il faut se décider à l’indécidable, disons simplement ceci: malgré son ouverture sous le double patronage du récit post-apocalyptique et du shonen nekketsu1, L’Attaque des Titans déploie, par sa violence graphique inédite, une réflexion stimulante sur nos sociétés contemporaines et les rapports de force qui les structurent.

Ce qui impressionne tout d’abord avec cette dernière saison, c’est l’intelligence de son écriture qui radicalise sa tendance à brouiller systématiquement les frontières du bien et du mal. Ainsi sont à comprendre les premiers épisodes de cette saison finale: alors que le spectateur s’attend à renouer, après plus d’un an d’attente, avec le bataillon qu’il suit depuis le début de l’aventure, c’est avec surprise qu’il découvre un nouveau groupe de personnages. C’est qu’en réalité cette saison quatre se pose comme le reflet de la première. Tandis que la série animée démarrait avec la présentation d’Eren et de son village assailli par une menace extérieure, cette quatrième saison inverse la dynamique: Eren et ses compagnons deviennent les véritables bourreaux des habitants de Mahr. Ce changement abrupt de focalisation nous rappelle que le manichéisme ne sera sans doute jamais une grille d’analyse pertinente pour appréhender cette œuvre. A ce titre, il convient également de souligner l’utilisation judicieuse des flash-back (pas tous!), qui nous amènent souvent à reconsidérer des événements passés sous un nouvel angle, à partir de perceptions différentes, rendant ainsi caduque toute considération unilatérale de la violence et de la haine. Par conséquent, le flash-back s’érige ici en outil anthropologique majeur: en s’efforçant d’intégrer à sa narration une multiplicité de perspectives, L’Attaque des Titans invite constamment son public à exercer sa lucidité critique, ainsi qu’à repenser son être-au-monde.

Il est impossible de parler de cette nouvelle saison sans évoquer le changement de studio d’animation qui s’occupe de sa réalisation. Alors que les trois premières saisons furent produites par le studio Wit, c’est le studio Mappa qui s’occupe d’animer cette ultime saison de la série. De manière générale, le travail graphique et visuel reste d’une grande qualité - on note tout de même un changement dans le chara-design2 de certains personnages mais ces modifications peuvent néanmoins s’expliquer par l’ellipse de quatre ans qui sépare la fin de la troisième saison et le début de la quatrième. En revanche, l’ajout dans certaines séquences d’une animation en 3D s’avère beaucoup plus problématique en ceci qu’elle entraîne une perte considérable de fluidité dans certains combats tout en minimisant également le sentiment de vitesse et d’habilité lors des scènes de voltige, caractéristiques de la série. Enfin, quelques problèmes de rythme plombent cette première moitié de saison - il est notamment frustrant d’attendre le cinquième épisode avant de retrouver un personnage familier, et le septième (sans doute un des épisodes les plus marquants de toute l’œuvre confondue) pour vibrer à nouveau autour de cette violence décomplexée et magnifiquement chorégraphiée propre à la série.

Modèle d’écriture, œuvre philosophique émouvante d’un réalisme effarant, réflexion socio-politique acerbe autant que nuancée, les superlatifs ne manquent pas pour qualifier L’Attaque des Titans, qui se voit confirmé, avec ce début de saison quatre, comme l’un des plus grands animes de tous les temps. On attend le dénouement. Impatiemment.


Kevin Pereira


1 Manga destiné aux adolescents, extrêmement codifié et au récit à portée initiatique.

2 Animation spécifique du physique des personnages.