L'édito de Anthony Bekirov - La fin du journalisme

Le 25 janvier 2023

Profitons du brouhaha causé par les intelligences artificielles pour revenir à nouveau dessus. Si dans le dernier édito il était question de la mise à mort de l’art par DALLE, l’intelligence artificielle qui génère des images virtuoses à partir de mots-clés, une autre IA fait la une depuis plusieurs mois, ChatGPT, capable de produire du contenu textuel tout à fait crédible sur un sujet donné. Certaines publications sont même allées jusqu’à demander à l’algorithme de produire un article pour eux – et le résultat était convaincant (qui sait, peut-être qu’un futur éditorial de Ciné-Feuilles sera rédigé par ChatGPT à l’insu des lecteurs). À nouveau, la peur de la technologie et le cramponnage aux vieilles idoles donnent naissance à toute une procession de faux prophètes qui annoncent la mort imminente de l’humain, du talent, et pour le coup, du journalisme. Mais à nouveau, l’IA ne peut produire que dans les limites des données qui lui sont fournies : elle ne pourra jamais analyser, proposer des exégèses, créer des formes – seulement des duplicata vraisemblables. Ce qu’elle peut remplacer toutefois, il est vrai, c’est la feuille de chou, les canards, les rapports rébarbatifs, les synthèses, bref, le journalisme à l’exègue aux manchettes boursouflées. Ce n’est pas plus mal si c’est une machine désormais qui se charge d’alimenter les tabloïds, il y aura moins de fautes d’orthographe. Plus sérieusement, nous assistons là à une avancée technologique majeure qui facilite l’apprentissage et remet en question les méthodes d’enseignement et de travail largement surannées. Surtout que la recherche a des intérêts plus urgents que d’apprendre aux machines d’analyser des films de Godard. Néanmoins, cela mettra sans doute des gens au chômage, mais gageons que cela forcera nos sociétés à valoriser d’autres talents et incorporer la robotisation comme une plus-value et non comme une gangrène.