L'édito de Serge Molla - Vos envies et nos désirs

Le 11 mai 2011

Dans un éditorial paru récemment dans la revue Positif, Michel Ciment citait ces mots du critique d’art allemand Panofsky: «S’il est vrai que l’art commercial court toujours le risque de se retrouver sur le trottoir, il est également vrai que l’art non commercial court toujours le risque, lui, de finir vieille fille.»

Cette formule aussi lapidaire que réaliste rejoint parfaitement quelques-unes des préoccupations des responsables de Ciné-Feuilles, lesquelles pourraient également être celles des critiques de cinéma en général. Si notre rôle est bien de promouvoir un cinéma de qualité, tant du point de vue artistique qu’éthique, nous n’avons pas à négliger les goûts des différents publics. Nicole Métral l’exprimait très bien dans un récent édito de notre revue intitulé «Le cinéma que j’aime».

Alors comment louvoyer entre le respect des envies des spectateurs et notre propre rôle d’incitateurs? Au sortir du visionnement de presse de LA FILLE DU PUISATIER, un éminent critique lausannois a eu cette réflexion spontanée et si explicite qu’elle apportait un jugement en fait très clair sur cette œuvre, «c’est au-delà du bien et du mal!» Une manière de dire qu’il n’y avait rien à ajouter! Il est vrai que le film de Daniel Auteuil ne fait preuve d’aucune recherche artistique et ne fera pas date dans l’histoire du cinéma. Mais il répond à l’attente des spectateurs. Que demander de plus que d’apprécier ici la langue superbe de Pagnol et les paysages colorés de Provence?

C’est ainsi que nous avons à être conscients des limites de la critique cinématographique, même si l’on voudrait que celle-ci, qu’elle soit d’ordre esthétique, éthique ou simplement informatif, puisse quelque peu influencer nos lecteurs. Mais c’est aussi notre rôle d’aller à la rencontre de ceux-ci là où les mènent leurs envies, en nous souvenant de ce mot d’André Gide: «C’est si bon de pouvoir ne point mépriser ce que la foule admire.»

Est-ce utopie ou prétention de notre part, mais nous aimerions que notre revue prenne en compte les aspects les plus larges de la critique cinématographique. Et que à la fois informative, porteuse d’appréciations artistiques et à l’écoute de vos envies, elle puisse vous inciter à découvrir les richesses de l’art le plus proche de votre vécu quotidien.

Georges Blanc (CF 636)