L'édito de Daniel Grivel - Goût et cohérence

Le 05 juin 2014

Voilà ce qui caractérise, à nos yeux, le palmarès du Jury international du Festival de Cannes. Il est en effet arrivé, lors de précédentes éditions, que de subtiles considérations d'ordre politique voire national aient pesé sur le choix des films récompensés - un peu comme dans notre pays lorsqu'il s'agit de désigner un conseiller fédéral ou un officier général: il faut que, au bon moment, le candidat soit du bon parti, du bon canton, de la bonne confession...

A Cannes, sous la présidence éclairée de Jane Campion, une équipe de fins connaisseurs du 7e art, respectant l'équilibre féminin-masculin, a travaillé avec sérieux.
C'est ainsi que la Palme d'Or couronne Winter Sleep, du Turc Nuri Bilge Ceylan, assurément l'un des plus grands réalisateurs actuels; certes, le film est long (plus de trois heures) et exigeant, mais il réserve de nombreuses pépites à qui se donne la peine d'y entrer. Le meraviglie  d'Alice Rohrwacher, coproduction suisse, ont bien mérité le Grand Prix par leur fraîcheur et leur simplicité. Passons sur le Prix de la mise en scène à Foxcatcher, qui ne nous a pas passionné, mais saluons le Prix du Jury ex-aequo décerné à Xavier Dolan pour Mommy et à Jean-Luc Godard pour Adieu au langage - bel hommage au benjamin et au doyen de la compétition, tous deux créateurs hors pair. Le Prix du scénario pour Leviathan d'Andrey Zvygintsev et Oleg Negin nous réjouit, car il distingue un film courageux et formellement abouti. Julianne Moore et Timothy Spall ont mérité leurs prix d'interprétation, quand bien même d'autres auraient pu y prétendre. Et remercions le Jury oecuménique d'avoir primé Timbuktu d'Abderrahmane Sissako!
Il y aurait encore bien des commentaires positifs à faire sur les choix des jurys d'Un certain regard, de la Caméra d'Or et de la Semaine de la critique. Bornons-nous à dire que le 67e Festival de Cannes, quelques bévues mises à part, a été une bonne cuvée et que les cinéphiles ont pu faire leur miel. Et un coup de chapeau pour finir à Gilles Jacob, le distingué pacha de cet imposant paquebot, délégué général depuis 1978 puis président de 2011 à cette année. Il rentre dans le rang, mais gageons que son ombre tutélaire veillera encore discrètement sur ce festival mythique.

Daniel Grivel