L'édito de Serge Molla - Le respect de l’intime
Le 13 octobre 2006
Le titre ci-dessus n’est pas celui d’un film, mais le constat que ce qui touche à l’intime et au sexuel a franchit une nouvelle étape avec l’intérêt qu’a suscité LE SECRET DE BROKEN MOUNTAIN auprès du public et des milieux professionnels.
Ce n’est évidemment pas la première fois que le sujet de l’homosexualité est traité, toutefois son traitement par Ang Lee est inédit. Voici enfin un long-métrage qui prend au sérieux ce qui se joue entre des êtres, fussent-ils homosexuels.
Ce qui retient l’attention, c’est l’excellente question que soulève ce film par sa trame même. Comment se détermine l’orientation sexuelle d’un être ? Le scénario suggère que l’un des deux protagonistes, Jack, est homosexuel dès le départ ; d’ailleurs son orientation le conduit à se rendre épisodiquement au Mexique pour y vivre quelques aventures sans lendemain. A l’inverse de Ennis, qui hormis son amour pour Jack, vit (y compris sexuellement) avec sa femme, puis, après leur rupture, avec d’autre(s) femmes(s). Ang Lee souligne ainsi la force du lien qu’ont tissé ces deux hommes, mais il ne s’arrête pas là. Il dévoile les enjeux douloureux qu’une telle relation forte et intime peut avoir sur les couples de tels hommes et sur leurs parents. Et cet ample regard donne à cette réalisation toute sa valeur.
Tout autre est le sujet de L’AFFAIRE JOSEY AIMES relatant le combat juridique d’une femme contre la société minière qui l’emploie. Josey Aimes, divorcée deux enfants de deux pères différents, ose dénoncer le harcèlement sexuel dont elle et ses collègues sont fréquemment l’objet. Même si les milieux psy soulignent régulièrement la gravité des conséquences du non-respect de l’intime et de la sexualité, il est nécessaire que le cinéma atteste des blessures qu’infligent les paroles et les actes, parfois bien légèrement sanctionnés ou évalués.
A première vue, VERS LE SUD évoque le tourisme sexuel dans sa version féminine. Mais il s’agit plutôt d’une lourde interrogation sur les rapports hommes-femmes où pouvoir et sexe mènent généralement le bal, au détriment des êtres, qui se retrouvent bien seuls dans de beaux draps... Et ce n’est pas par hasard si le désir sexuel finit par s’effacer devant celui d’une tendresse, et d’un regard de l’autre qui ne déshabille ni ne traverse.
Quant au film THE SECRET LIFE OF WORDS, qui aborde notamment la terrible souffrance des femmes violées durant la récente guerre d’ex-Yougoslavie, il révèle combien « nous sommes soumis à ce que notre mémoire refuse », lorsque « l’oublié est le serpent du jardin de nos rêves » (J. Baldwin)
Lorsque le cinéma rappelle cela en relatant avec sensibilité et talent une histoire – vraie ou non, qu’importe ? –, seul compte alors le fait que le harcèlement ou les clichés reculent jusqu’à ne devenir que de comiques fictions. Du coup, il ne s’agit pas de défendre tel ou telle, qu’il ou qu’elle ou non me ressemble, mais bien plutôt de rappeler que tout être, quels que soient son sexe et son orientation sexuelle, a droit au respect. C’est capital, parce que seul le respect lui permettra de se constituer, de trouver sa véritable identité, d’être ce qu’il est appelé à être. Et j’apprécie lorsque le cinéma souligne un tel mouvement : il ne fait alors plus écran à l’essentiel. Bien au contraire.
Serge Molla (CF 521)