Échos Du Festival Il Cinema Ritrovato De Bologne

Le 23 août 2023

Textes réunis par Noé Maggetti


Du 24 juin au 2 juillet s’est tenue la 37e édition du Festival Il Cinema Ritrovato, manifestation cinématographique annuelle organisée par la Cinémathèque de Bologne. Ce rendez-vous incontournable pour les archivistes, les historiennes et historiens du cinéma, mais aussi les cinéphiles de tout ordre est l’un des lieux privilégiés pour redécouvrir le septième art à travers la projection de diverses perles filmiques. Copies rarement montrées de films des premiers temps, projections à l’aide d’appareils d’époque, ciné-concerts en plein air, présentation de restaurations somptueuses de grands classiques, rétrospectives de l’œuvre de cinéastes d’ici et d’ailleurs et invité·e·s prestigieux·ses (de Joe Dante à Wim Wenders en passant par Ruben Östlund) étaient au programme de l’édition 2023 de l’un des festivals d’histoire du cinéma les plus réputés d’Europe.

Ciné-Feuilles vous propose un compte rendu de plusieurs métrages montrés dans le cadre des différentes sections de cette 37e édition, sous la plume d’étudiant·e·s de la Section d’histoire et esthétique du cinéma de l’Université de Lausanne (UNIL) qui se sont rendu·e·s au festival dans le cadre d’un voyage d’étude. Ce dernier a représenté une occasion pour elles et eux de se familiariser avec la critique cinématographique en compagnie d’un rédacteur de Ciné-Feuilles.



Une série de films Pathé produits en 1903


Dans le cadre du cycle «Il secolo del cinema: 1903», les programmatrices et programmateurs proposaient au public de se pencher sur des vues et tableaux produits il y a cent-vingt ans, à travers plusieurs productions Pathé. Le choix de ne pas remonter précisément d’un siècle pour respecter la tradition bolognaise de la série «cent ans en arrière» était motivé par l’envie de revaloriser le cinéma des premiers temps, du temps d’avant qu’il n’acquière une «identité esthétique» plus stable et qu’il ne devienne davantage narratif.

La diversité du corpus proposé est à saluer: d’une succession de plans fixes montrant des visages désignés comme des «types» français (inspirés des caricatures qui se multiplient dans la presse de l’époque) à une vue mettant en scène un jeune enfant gavant maladroitement un nourrisson de gâteau (appliquant de fait les codes de l’humour tarte à la crème), un peu moins d’une dizaine de courtes productions éclectiques étaient proposées. Certaines reposaient principalement sur des gags ou des éléments purement attractionnels (on assistait par exemple à un combat se terminant par l’envol de la tête d’un des participants, qui se détache de son corps pour rejoindre le ciel), quand d’autres se distinguaient par une relative cohérence narrative avec une succession de tableaux. L’accompagnement musical live par un pianiste jouant sans partition et se calquant sur l’image ainsi que le contexte de la salle offraient réellement l’opportunité à la spectatrice ou au spectateur d’aujourd’hui de s’immerger pour un instant dans ces productions qui lui semblent lointaines, dans des conditions pouvant rappeler celles de 1903 et au sein d’un public enthousiaste - Le Bébé gourmand décrochant le rire général, puis les applaudissements de la salle!


Marie Jallut



Lady Windermere’s Fan (Ernst Lubitsch, 1925)


Présenté dans la section «Ritrovati e Restaurati», le film Lady Windermere’s Fan de Ernst Lubitsch (1925) ressortait en salle près de cent ans après sa première projection publique grâce au soutien de plusieurs institutions ayant contribué à sa restauration.

Le film est une adaptation étasunienne assez libre de la pièce de théâtre du même nom écrite par Oscar Wilde. L’intrigue se situe à Londres, où Lord et Lady Windermere vivent dans le luxe et les mondanités. Arrive alors la mystérieuse Mrs Erlynne, qui se présente à Lord Windermere comme étant la mère de son épouse. Voulant protéger Lady Windermere qui croit sa mère morte, le mari décide de payer grassement le silence de Mrs Erlynne. Cependant, des rumeurs commencent à circuler sur une hypothétique relation adultère entre Lord Windermere et Mrs Erlynne, ce qui ne manque pas de remonter aux oreilles de Lady Windermere…

Accompagné en live au piano par le spécialiste de la mise en musique des films muets des années 1920-1930 Timothy Brock lors de sa projection à Bologne, Lady Windermere’s Fan s’appuie sur un scénario débordant d’effets comiques, redoublés par le jeu expressif des actrices et acteurs ainsi que par le cadrage, lorsque le hors-champ permet de développer un comique de situation riche en quiproquos.

Malgré le fossé qui pourrait exister entre le public contemporain et un film réalisé il y a environ cent ans, Lady Windermere’s Fan parvient à toucher et à faire rire, notamment grâce à la mise en scène hilarante de trois commères, prêtes à tout pour les ragots et retournant leur veste une fois flattées.


Lionel Perdigao Moreira



The Edge Of The World (Michael Powell, 1937)


Projeté dans le cadre d’une rétrospective de l’œuvre du réalisateur anglais Michael Powell, The Edge Of The World est son premier long métrage, faisant suite à la vingtaine de «quotas quickies» tournés par ses soins auparavant.

Se déroulant durant une période d’exil des populations insulaires écossaises vers le continent, le film raconte l’histoire d’Andrew Gray - habitant de la petite île d'Hirta - qui, suite à une mésentente avec son ami Robbie Manson, lance à ce dernier un défi consistant à escalader une falaise particulièrement dangereuse. La conséquence tragique de cet affrontement redéfinit les dynamiques entre les habitants d’Hirta et les amène à s’interroger sur la pertinence de perpétuer le mode de vie et les traditions de leurs ancêtres.

Malgré la présence de différents personnages, c’est bien la nature qui tient le premier rôle dans ce long métrage. Le film la dépeint tantôt comme majestueuse, tantôt comme funèbre, mais n’oublie jamais de rappeler à quel point l’être humain n’est que peu de choses face à elle. Devant les plans à couper le souffle transportant le spectateur ou la spectatrice sur les falaises escarpées d’Hirta, il est difficile de ne pas éprouver un certain vertige.

The Edge Of The World est un film fascinant en raison du contexte historique qui y est traité, mais aussi de sa réalisation presque documentaire qui permet de découvrir les recoins d’une île en apparence inapprochable. Enfin, le récit mêle habilement romance et drame et emporte les spectatrices et spectateurs dans une série de rebondissements qui ne peuvent pas laisser indifférent.


Sébastien Milcé



The Mark Of Zorro (Rouben Mamoulian, 1940)


Ancré dans le cycle de projection «Rouben Mamoulian: A Touch Of Desire» qui met en lumière la représentation singulière de la passion dans les films de Mamoulian, le film d’action The Mark Of Zorro ajoutait une touche originale au panorama varié de genres filmiques découverts lors de cette 37e édition du festival.

Le film de Mamoulian introduit un héros, Diego Vega (Tyrone Power), prédestiné aux privilèges de la bourgeoisie. Cependant, lorsqu’il revient dans sa Californie natale, il ne peut rester insensible à l’oppression que subit le peuple, dominé par l’impitoyable commandant Pasquale (Basil Rathbone). C’est ainsi qu’il se dresse secrètement en justicier, se faisant appeler Zorro. À l’aide de son charisme et de son habileté à l’épée, il devient rapidement un symbole d’espoir et de justice pour le peuple.

Si le travail de la lumière et les chorégraphies des combats d’épées confèrent un certain cachet à l’ensemble du film, l’usage de plans continus contraste drastiquement avec le découpage rapide usuel des films d’action. Cette particularité laisse de la place pour l’éclosion d’un désir suggéré entre Zorro et Lolita Quintero (Linda Darnell) à travers de longs silences lourds de sens et l’évolution progressive de leur passion dans des espaces confinés.

Savant mélange entre film d’action et romance, The Mark Of Zorro est une porte d’entrée fascinante dans l’univers de Mamoulian, qui laisse transparaître son goût pour le déguisement, les jeux d’ombres et les mascarades.


Céline Germanier



Biruma no tategoto (La Harpe de Birmanie, Kon Ichikawa, 1956)


La projection du film Biruma no tategoto dans la section «Ritrovati e Restaurati» du festival a été l’occasion pour le public de (re)découvrir le réalisateur Kon Ichikawa, qui a été l’une des figures majeures - quoi-qu’aujourd’hui méconnue - de la Nouvelle Vague japonaise. Cette adaptation du roman homonyme de Michio Takeyama, récompensée à Venise en 1956, livre avec lyrisme un message pacifiste.

En Birmanie, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une troupe de soldats japonais est capturée par l’armée britannique. L’un des prisonniers, Mizushima, admiré en raison de ses talents de harpiste, est chargé de convaincre un autre groupe de l’armée nippone de se rendre. Les soldats refusent par orgueil et sont tués - seul Mizushima survit à l’attaque. Bouleversé par la violence de la guerre, ce dernier décide de ne pas rejoindre ses camarades qui le croient mort et souhaitent retourner au Japon. Dès lors, le protagoniste erre seul et entame une reconversion spirituelle en devenant moine bouddhiste.

La restauration des images proposée lors du festival nous a permis de profiter pleinement de la dimension contemplative du film, dont la seconde partie est essentiellement constituée de longs plans d’ensemble dans des décors magnifiques. Une forme de lyrisme - contrastant avec la trivialité de la guerre et l’omniprésence de la mort - se dégage de ces moments d’errance tout comme des scènes musicales.

Ainsi, au-delà de sa valeur discursive incontestable, c’est surtout pour son originalité esthétique que le film a, malgré quelques longueurs, retenu notre attention - entre autres grâce à une composition des plans minutieuse et des variations des échelles de plans et des angles de prises de vue remarquables.


Joas Maggetti



Shirasagi (Le Héron blanc, Teinosuke Kinusaga, 1958)


Présenté dans le cadre de la rétrospective «Teinosuke Kinusaga: dall’ombra alla luce», Shirasagi (Le Héron blanc, 1958) donne un bel aperçu du travail de ce réalisateur japonais, notamment récompensé au Festival de Cannes pour son film Jigokumon (La Porte de l’enfer, 1953).

Shirasagi met en scène le parcours d’une geisha - interprétée par Fujiko Yamamoto - contrainte d’exercer cette activité suite à la ruine de sa famille. Durant son parcours, elle devient la maîtresse d’un riche client mais tombe, en parallèle, sous le charme d’un jeune peintre. Déchirée entre son devoir et son cœur, elle ne trouve d’autre solution que de se donner la mort.

Le long métrage se met en marche lentement, peut-être un peu trop, au rythme des journées de la geisha et du client dont elle doit s’occuper. En revanche, la seconde partie du film - contenant notamment une insoutenable scène de viol qui se résout par l’inévitable suicide de l’héroïne - est saisissante en raison des émotions qui s’en dégagent et de l’accélération du rythme de l’action. La mise en scène et l’esthétique du long métrage sont particulièrement remarquables, grâce au travail poétique sur les couleurs et au jeu maîtrisé des comédiennes et comédiens.

Ainsi, malgré un incipit qui ne facilite pas l’entrée dans la diégèse, le visionnage de ce film - et plus généralement de l’œuvre de Teinosuke Kinusaga - constitue un bon moyen de s’ouvrir à la culture japonaise et de se familiariser avec un jeu d’acteur et une esthétique encore trop peu connus en Europe.


Maena Chavanne



Classe tous risques (Claude Sautet, 1960)


Présenté dans la section «Ritrovati e Restaurati», mettant en avant des œuvres récemment restaurées, le film Classe tous risques de Claude Sautet (1960) représentait l’une des œuvres marquantes de cette édition du festival.

Ce film de gangsters sentimental met en scène la cavale d’Abel Davos (Lino Ventura) et de ses deux fils, après que son associé et sa femme ont été tués lors d’une tentative de fuite ayant débouché sur une fusillade avec deux garde-côtes sur les plages de Nice. À la suite de cette tuerie, la police est activement sur les traces des trois survivants et Abel doit trouver le moyen de rejoindre Paris. Il fait alors appel à ses comparses de toujours pour organiser un rapatriement d’urgence, qui sera assuré par Éric Stark (Jean-Paul Belmondo).

La suite se construit autour de l’amitié qui se tisse entre Abel et Éric et du rapport du père à ses enfants, dans une réalisation soignée riche en constructions visuelles élégantes. Elle explore la psychologie des personnages, dans des séquences particulièrement touchantes et au fil du développement d’une intrigue qui fait éprouver au spectateur ou à la spectatrice un sentiment d’errance et de peur d’être livré à l’inconnu.

Bien qu’il n’échappe pas à une certaine misogynie, le film propose malgré tout un modèle de masculinité nuancée et sensible, en marge de la norme établie dans les films de gangsters et donne à voir une histoire d’amour relativement saine entre Liliane (Sandra Milo) et Éric. Par ailleurs, l’efficacité des dialogues joue, elle aussi, pour beaucoup dans le plaisir procuré par le visionnage du long métrage.

À noter enfin que sa restauration a permis la découverte de scènes du négatif orignal, coupées du montage final. Celles-ci, bien qu’elles aient aussi fait l’objet d’une restauration, n’apparaissaient pas dans la copie projetée lors du festival, afin de respecter la volonté du réalisateur. Elles seront en revanche disponibles dans l’édition Blu-ray, dont la sortie est imminente.


Bethsabée Veillon



Macario (Roberto Galvadon, 1960)


La section «Ritrovati e Restaurati» du festival, qui présente des films restaurés issus de plusieurs décennies de cinéma, donnait l’occasion au public présent à Bologne d’assister à une projection du film Macario de Roberto Galvadon (1960), premier film mexicain nommé aux Oscars.

Le scénario est assez simple: Macario, un pauvre bûcheron qui peine à nourrir sa famille, rêve de manger seul une dinde entière. Alors qu’il s’apprête enfin à assouvir ce désir, trois personnages se présentent, en quête d’un morceau de son repas: le Diable, Dieu et la Mort. Cette dernière obtient une part de dinde et offre en échange à Macario la possibilité de sauver les mourants grâce à une eau magique, qu’il ne manquera pas d’utiliser…

La mise en scène est très soignée et crée une ambiance marquante, notamment à travers certaines scènes de carnaval impliquant des marionnettes squelettiques en surimpression, ou une séquence dans laquelle le protagoniste est filmé au milieu de grands cierges l’enfermant symboliquement dans sa pauvreté et annonçant sa mort prochaine. Sans oublier la beauté de la grotte de la Mort, illuminée de bougies représentant l’âme de tous les vivants…

Notons enfin que le récit prend la forme d’une parabole et permet des réflexions sur divers sujets comme les inégalités sociales, le caractère inéluctable de la mort, le prix de la vie ou l’individualisme. Un film macabre, donc, mais qui parvient à éblouir la spectatrice ou le spectateur par sa simplicité et par les réflexions qu’il suscite.


Luca Surdez



Smog (Franco Rossi, 1962)


Projeté dans la section «Ritrovati e Restaurati», réunissant des œuvres parfois oubliées récemment restaurées par les soins de différentes institutions, le film Smog de Franco Rossi (1962) constituait une des belles découvertes de cette édition du festival.

Premier film italien entièrement tourné aux États-Unis, Smog met en scène le bref séjour à Los Angeles de Vittorio Ciocchetti, un avocat italien ne parlant pas un mot d’anglais. En transit entre deux vols, ce personnage décide d’explorer la mégapole étasunienne dans laquelle il erre de rencontre impromptue en situation improbable. Qu’il soit invité dans de luxueuses villas, propulsé dans des fêtes frénétiques ou coincé entre deux Américains fascinés par ses origines latines, le protagoniste conserve toujours son sens de l’humour pince-sans-rire.

Tourné dans un somptueux noir et blanc, le long métrage évoque à la fois Antonioni, dans sa manière de dépeindre l’incommunicabilité d’individus séparés par une frontière culturelle et linguistique, et Fellini, dans la satire acerbe qu’il construit en grossissant les traits d’une bourgeoisie qui cherche à se divertir coûte que coûte.

Profondément ancré dans son époque, Smog parvient à rendre compte de l’atmosphère particulière de Los Angeles qui lui donne son titre, à la fois dense, polluée, fascinante, et surtout profondément cinématographique.


Noé Maggetti



Gharibeh Va Meh (The Stranger And The Fog, Bahram Beyzai, 1974)


La section «Cinemalibero», qui regroupe un corpus international hétéroclite s’étalant de l’Afrique occidentale au Moyen-Orient, était clôturée en beauté par deux films récemment restaurés du réalisateur iranien Bahram Beyzai; l’énigmatique Gharibeh Va Meh (The Stranger And The Fog, 1974) et son pendant Tcherike-ye Tara (Ballad of Tara, 1979).

L’arrivée du mystérieux Ayat sur les rives d’un village isolé, empreint de rituels folkloriques et figé dans une temporalité indéterminée, constitue le point de départ de l’intrigue de Gharibeh Va Meh. Si la complicité amoureuse entre la captivante veuve Rana et Ayat apparaît comme la clé de l’intégration de ce dernier à la communauté, le malheureux n’est pas au bout de ses peines, entre la méfiance constante des villageois à son égard, sa perte de mémoire et sa peur inexplicable de se faire attaquer. L’intangible menace étrangère liée à son passé n’est pas sans rappeler le régime de peur généré par le trio de silhouettes dans Gav (The Cow, Darius Mehrjui, 1969), autre film emblématique de la Nouvelle Vague iranienne.

Un accompagnement musical diégétique composé d’envoûtantes percussions rythme cet univers visuel haut en couleur, qu’il s’agisse des récurrentes teintes bleutées faisant écho à l’eau, des costumes entre tradition iranienne et complètes inventions futuristes et des forts contrastes entre le noir et le blanc qui soulignent la singularité du personnage de Rana. Par ailleurs, longs zooms, inserts évocateurs courts et jeux de reflets laissent transparaître la portée symbolique d’un tel récit.

Réalisé à la veille de la Révolution de 1979, Gharibeh Va Meh revêt en effet des airs prémonitoires en raison des allusions aux peurs sous-jacentes de la société iranienne et à la répression. Il est cependant regrettable qu’à l’image du brouillard omniprésent à l’écran, le récit volontairement incomplet finisse par s’embrumer...


Agathe Pacifico



La Femme d’à côté (François Truffaut, 1981)


La projection en plein air, sur la Piazza Maggiore, de La Femme d’à côté de François Truffaut fut une merveilleuse expérience collective. Cet avant-dernier film de Truffaut met en scène Fanny Ardant et Gérard Depardieu (qu’il retrouve après Le Dernier Métro sorti en 1980).

Suite à une relation tumultueuse, Bernard et Mathilde, chacun remariés, se retrouvent par hasard voisins dans un petit village près de Grenoble. Bien qu’ils gardent d’abord leurs distances, la passion qui les animait se rallume. Mais la dimension tragique de leur histoire n’épargnera personne…

La narration du long métrage est assurée par un personnage secondaire qui s’adresse à la caméra dès les premières minutes, exhibant ainsi d’entrée de jeu le dispositif filmique pour prendre à parti le spectateur ou la spectatrice et conférer une dimension universelle au récit: ce drame, c’est celui qui peut toucher chacun·e d’entre nous. Au niveau formel, la violence que déchaîne cet amour impossible est contrebalancée par une réalisation sobre et une interprétation subtile qui amène avec brio un final bouleversant.

En définitive, François Truffaut livre un film aussi rude que touchant et aussi prenant que révulsant sur les conséquences dramatiques que peut avoir une histoire banale.


Mathieu Vuillerme



Gremlins (Joe Dante, 1984)


Présenté dans le cadre d’un hommage rendu au réalisateur Joe Dante et projeté en sa présence, Gremlins a constitué une expérience unique pour les spectatrices et spectateurs du festival.

L’intrigue du film s’articule autour d’une créature nommée Mogwai, qu’il est interdit de nourrir après minuit, d’exposer à la lumière du jour ou de mettre en contact avec l’eau. Lorsque Billy, le protagoniste qui se retrouve en possession de celle-ci, ne suit pas ces trois règles fondamentales, l’animal se démultiplie et engendre une horde de créatures chaotiques accomplissant des farces malicieuses: les Gremlins.

Déguisé en comédie grand public, ce film devenu culte propose une critique ostensible de la société étasunienne et de son hostilité envers l’étranger, en mettant notamment en scène des personnages ouvertement racistes qui se voient attaqués par les redoutables Gremlins.

La musique, brillamment composée par Jerry Goldsmith, emporte le public durant l’entièreté du film. Les différents thèmes inoubliables ajoutent une dimension comique au long métrage grâce à un jeu intelligent avec les images.

La force du film réside dans son récit aussi universel que singulier qui suscite le rire et ravive des souvenirs d’enfance. De plus, les nombreux clins d’œil à l’histoire du cinéma distillés au fil du long métrage sauront satisfaire les cinéphiles les plus avertis.


Marie Ugolini



Speriamo che sia femmina (Mario Monicelli, 1986)


Le festival Il Cinema Ritrovato rendait cette année hommage à Suso Cecchi d’Amico, scénariste italienne disparue en 2010 ayant notamment travaillé sur de nombreux films néo-réalistes comme Ladri di biciclette (Vittorio de Sica, 1948). Sorti en 1986 et projeté à Bologne dans sa version restaurée, Speriamo che sia femmina est le fruit d’une collaboration entre Cecchi d’Amico et plusieurs autres scénaristes.

Cette production italo-française met en scène une famille vivant dans une ferme au sud de la Toscane. Celle-ci est majoritairement composée de femmes (mères, filles, petites-filles, etc.), bien que quelques figures masculines gravitent autour d’elles. Toutefois, ces hommes sont toujours tournés en dérision. C’est le cas du père de famille, qui bouleverse par son retour le quotidien de ce petit monde avec un projet immobilier aussi fumeux qu’ambitieux, mais aussi de l’oncle Gugo, un aïeul à la mémoire défaillante dont les interventions font office de contrepoints comiques. Face à ces personnages masculins peu fiables, un soutien désintéressé se met en place entre les habitantes de la maison, qui partagent des moments simples du quotidien, notamment à table, lieu récurrent de retrouvailles et de discussions, où chacune trouve sa place.

Ce film valorisant une forme de sororité fait rire et émeut grâce à sa force d’identification, car en fin de compte, il représente une famille comme il y en a tant d’autres, ce que n’a pas manqué de faire remarquer la fille de Suso Cecchi d’Amico, qui introduisait la projection.


Marie Geneux