L'édito de Adrien Kuenzy - Des frontières poreuses

Le 22 septembre 2021

Au cinéma, les grands acteurs incarnent bien plus que leurs rôles. Le défunt Jean-Paul Belmondo en est un exemple et les hommages qui ont suivi sa mort témoignent du regard qui transperce l’écran, au-delà des personnages et prouesses techniques. L’homme et l’artiste n’ont fait qu’insuffler plus de profondeur aux œuvres qui l’ont porté au fil du temps.

Le septième art a ce pouvoir d’intégrer les vies de celles et ceux qui apparaissent au premier plan. Derrière Mabel qui souffre dans Une femme sous influence ou les remises en question de Myrtle dans Opening Night de John Cassavetes, il y aura toujours l’immense Gena Rowlands, celle qu’on a appris à connaître dans la presse ou ailleurs, même au paroxysme de sa métamorphose. Aujourd’hui, Dune de Denis Villeneuve, auquel ce numéro consacre, en plus d’une critique, un riche sujet autour des différentes adaptations du roman de Frank Herbert, est marqué d’une pierre blanche par l’acteur Timothée Chalamet qui, à l’orée d’une carrière prometteuse, irradie déjà les salles. Avec à ce stade plus de mystères qu’un parcours éclairé. Laissons le temps à l’histoire.

Au-delà des débats houleux qui agitent la toile au sujet du film, ce dernier vise certainement à faire du comédien la nouvelle coqueluche de Hollywood. Tant le cinéaste semble vouloir le percer à jour en le scrutant partout dans les dunes. Un peu à l’image de Pasolini qui, dans son Théorème, a su mettre en lumière l’étrange beauté de Terence Stamp interprétant un ange aux pouvoirs magiques.

Au contraire, un cinéma documentaire digne de ce nom élève au rang de personnage de parfaits inconnus choisis pour une grandeur qu’il fallait révéler, en les associant à un récit formellement puissant. C’est la conjonction des deux qui permet ici d’éblouir. Le cinéaste italien Gianfranco Rosi, dont on lira dans ces pages la critique au sujet de son Notturno, a su miser sur des petites gens à la profondeur incommensurable et des histoires qui offrent d’autres dimensions que le pur témoignage. Les Guérisseurs, dont un entretien de la réalisatrice Marie-Eve Hildbrand ouvre ce numéro, parvient quant à lui à construire une esthétique du geste au travers de la répétition d’actions, amenant aussi ses protagonistes dans un univers poétique.

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