L'édito de Sabrina Schwob - Cour de justice: quel cinéma!

Le 24 mars 2021

Un lieu réunit une partie des articles de ce numéro, aussi petit soit-il: la Cour de justice, qui a certes toujours eu une affinité particulière avec le cinéma. Obstacles à surmonter pour un protagoniste, occasion de susciter de vives émotions - renforcées par la musique, le mélodrame - chez le spectateur indigné par une justice qui, loin d’être aveugle, privilégie ses intérêts ou une frange de la population, ou dénonciation des travers d’une époque - parfois antérieure, pour mieux souligner les injustices actuelles - en montrant de quel côté se situe le pouvoir. L’artifice du système judiciaire est révélé par son assimilation au dispositif cinématographique. Les avocats sont alors associés à des acteurs, le spectateur à l'audience: le discours s'adresse directement à lui.

Dans ce numéro, la Cour s’inscrit dans des contextes bien différents. Dans Justice pour tous (voir la Chronique de Philippe Thonney) de Norman Jewison (1979), elle occupe une place centrale, où l’avocat incarné par Al Pacino lutte tant bien que mal contre toutes les vilenies imaginables, avant de refuser de poursuivre plus loin la mascarade, quel qu’en soit le prix à payer. Steve McQueen (Hunger, Shame) nous y plonge lors du premier épisode de sa série Small Axe qui explore plusieurs formes de racisme à l’égard de la communauté afro-caribéenne à Londres dans les années 60 à 80. Il nous fait ainsi revivre un procès historique, motivé par la haine raciale, du groupe des Mangrove Nine. Bad Luck Banging Or Loony Porn de Radu Jude, grand lauréat de la dernière édition de la Berlinale, recrée quant à lui une Cour de justice dans… une cour (universitaire) de recréation...! La crise sanitaire actuelle y apparaît comme un bien moindre mal face à des individus pétris de frustrations, de machisme et de conservatisme qui se sont érigés en juges. Heureusement, la séquence finale, en proposant différentes issues possibles au procès, est là pour nous rappeler que le cinéma est aussi une machine à fictions.