Réalisé par | Yuri Bykov |
Titre original | Durak |
Pays de production | Russie |
Année | 2014 |
Durée | |
Genre | Drame |
Distributeur | trigonfilm |
Acteurs | Artem Bystrov, Natalia Surkova, Dmitry Kulichkov, Boris Nevzorov, Yury Tsurilo, Aleksandr Korshunov, Olga Samoshina, Dara Moroz |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 716 |
Montrer l’ampleur de la corruption dans son pays, certes, mais sans oublier que les personnes les plus pourries sont encore des êtres humains. Pari réussi pour le réalisateur russe.
L’ambiance de L’idiot (trad. du mot russe durak) est celle de l’effroi que provoquent les films-catastrophes. Chacun pourrait se dire que tout y est exagéré, manière de nier l’évidence. Mais non, le réalisateur russe a écrit cette histoire à partir de différents constats et de faits divers bien réels; il montre une Russie en déliquescence, ne serait-ce que par l’abrutissement de la population.
Un téléphone urgent tire le jeune plombier Dmitri (Artem Bystrov) hors de chez lui un soir d’hiver. Un immeuble du quartier voisin menace de s’effondrer après l’explosion d’un chauffe-eau. Mal construit il y a quarante ans, le bâtiment n’a jamais subi la moindre rénovation; les sommes prévues pour les réparations ponctuelles ne sont jamais arrivées jusqu’à lui. Pour Dmitri, il faut évacuer d’urgence les quelque huit cents personnes qui y vivent. Il tente d’alerter la maire de la ville (Natalia Sukova) qui fête son anniversaire en compagnie des autorités.
«L’idiot traite des réactions des gens vis-à-vis du protagoniste, précise le réalisateur russe. Quand la bataille commence, la plupart des personnes réagissent selon leur instinct naturel: rester en vie et préserver leur bien-être.» Dmitri, lui, vit et agit selon un code très clair, sa conscience. Il lui est difficile de se faire comprendre par les autres dont les paramètres sont différents. Il dérange, il agace, même dans sa propre famille.
Le caractère de Dmitri est fondamental pour ce récit, tiraillé par le doute entre la peur qui le ferait rester chez lui et son honnêteté qui le pousse à révéler la vérité. Particulièrement bien construit, magnifiquement interprété par Artem Bystrov, il se dresse comme le seul élément intègre parmi une foule de gens qui n’ont que faire de ses émois. Pour autant, ni lui, ni ceux qu’il essaie d’éveiller à la réalité ne sont tout noirs ou tout blancs. Les hésitations, les questions, les retournements sont possibles parce que Yuri Bykov tient à la nuance.
Ce sont donc autant de portraits qui se dessinent, féroces pour certains, liés les uns aux autres par un formidable filet de corruption. Parmi les chefs, on ne peut en condamner un sans en faire tomber un autre. Le silence prévaut donc et le système perdure. Mais c’est parce qu’on se laisse écraser par des porcs qu’on vit comme des porcs, crache Dmitri à un habitant de l’immeuble sinistré. C’est l’autre aspect du film, le fatalisme qui endort la grande masse de la population, pauvreté, saleté, alcool, coups. La vie y traîne par terre, dans des couloirs et des appartements sordides, sans que personne ne songe à laver, à repeindre, à poser une fleur sur une table.
Bykov n’a pas besoin d’effets de mise en scène. Sa narration suit un rythme rapide et maintient une tension dramatique permanente. Les acteurs croient à leur personnage; la vérité, la profondeur qu’ils leur donnent jettent la réalité à l’écran. C’est la Russie rongée par la malhonnêteté et le chacun pour soi qui est évoquée ici. Comment cet état de fait pourrait-il changer? «Des «idiots» comme Dmitri existent toujours dans mon pays et cela nous laisse de quoi espérer», répond le réalisateur.
Locarno 2014: Prix oecuménique et Léopard d'argent du meilleur acteur pour Artem Bystrov.
Geneviève Praplan
Nom | Notes |
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Geneviève Praplan | 18 |
Daniel Grivel | 18 |
Antoine Rochat | 18 |
Georges Blanc | 17 |
Anne-Béatrice Schwab | 16 |
Serge Molla | 17 |