L'édito de Anne-Béatrice Schwab - Héroïnes et héros

Le 07 juillet 2015

Il en est des photos comme des personnes, certaines passent et s’oublient, d’autres imprègnent durablement nos mémoires, les marquent au-delà des filtres de l’encombrement et de l’oubli.

Sorti à l’occasion des 30 ans de Reporters sans frontières (RSF), le numéro 48 de leur revue est exemplaire à ce propos, avec pour titre « 100 héros pour la liberté de la presse » et en couverture la photo de Nelson Mandela prise le 13 février 1990, deux jours après sa libération, alors qu’il s’adresse aux 100'000 personnes réunies dans un stade de Soweto.
Il y a dans cet album un concentré de l’histoire des résistances et des combats menés au nom de la dignité humaine, de Gandhi à la jeune militante pakistanaise Malala Yousafzaï, en passant par Simone Weil, Alexandre Soljenitsyne, Anna Politkovskaïa, Jane Fonda, Charlie Chaplin, Cassius Clay, le commandant Massoud…

Toutes chargées de sens, les photos sélectionnées forment plus qu’une simple galerie de portraits. Elles n’ont pas été choisies en fonction de seuls critères esthétiques, mais pour leur force, celle d’un geste, d’un regard, le contexte qu’elles indiquent, le témoignage apporté, l’instant historique saisi.

A la découverte ou redécouverte de tous ces visages, reviennent en mémoire tant de films inspirés par ces personnages et les événements auxquels ils ont participé ou qu’ils ont directement provoqués. Que ce soit sous forme de biopics, documentaires, docu-fictions ou fictions, ces films, des plus médiocres aux plus aboutis, confortent à leur manière ou au contraire déconstruisent les images qui se sont forgées en nous : Invictus (Clint Eastwood 2009) pour Mandela, Selma (Ava DuVernay 2014) pour Martin Luther King, The Lady (Luc Besson 2011) pour Aung San Suu Kyi,  Carnets de voyage (Walter Salles 2004) ou Che (Steven Soderbergh 2008) pour Ernesto « Che » Guevara… pour n’en citer que quelques-uns.
Reflets de la complexité du monde, films et photos nous rappellent que «… Autant que de libertés et de droits, les démocraties ont besoin de citoyens et de héros qui, pour les défendre, relèvent la tête et savent dire « non ». Aucune liberté n’est acquise, chacune doit être reconquise. 

« Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau, ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin et il n’est jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leurs passions. » Ainsi parlait Albert Camus dans L’homme révolté. Ainsi se comportent les femmes et hommes de liberté dans le monde. » (Christophe Deloire, secrétaire général de RSF)

Anne-Béatrice Schwab