Les Intranquilles

Affiche Les Intranquilles
Réalisé par Joachim Lafosse
Titre original Les Intranquilles
Pays de production Belgique, France, Luxembourg
Année 2021
Durée
Musique Olafur Arnalds, Antoine Bodson
Genre Drame
Distributeur Outside The Box
Acteurs Patrick Descamps, Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah, Jules Waringo, Alexandre Gavras
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 878

Critique

Film sur les troubles bipolaires d’un peintre père de famille, Les Intranquilles met en scène, dans la tension mais avec tendresse également, la réunion de forces contraires. Damien Bonnard, dans le rôle du père, y est époustouflant. 


Musique de piano et de cordes ; en ouverture, on nous montre de l’eau, une plage, une femme allongée (Leïla Bekhti) qui se repose, et sur tout ça une belle lumière. C’est calme. Mais le titre du film, comme la respiration rapide de la femme, indiquent assez l’inefficience du cadre. Le film joue en effet la tension entre d’un côté des contextes sereins – décors de campagne, grandes et belles maisons rustiques, village tranquille, petite école – et de l’autre les secousses d’une famille malmenée par la bipolarité du père (génial Damien Bonnard).

Ces troubles de Damien, peintre à la cote ascendante, se trouvent en effet au cœur du film : ils pulsent, de manière euphorique, dans ses gestes artistiques – déluge créatif, frénésie dans la production –, mais jettent aussi de l’électricité dans une vie domestique qui mériterait plus de calme et de sécurité. L’artiste, lorsqu’il se laisse entraîner par cette dangereuse énergie, se dit « lancé » ; sa femme, elle, déclare qu’il est « parti ». S’il n’a pas été possible de le retenir à temps, il faut au moins le ralentir, ultimement le ramener. « Arrête, papa », demande incessamment l’enfant (Gabriel Merz Chammah), aux premières loges de la manie paternelle et qui, de fait expert, sait lire jusqu’aux plus petits signes du débordement. L’épouse, vouée malgré elle à tendre partout des filets de protection (repose-toi, prends ton lithium, ne conduis pas), s’épuise dans cette assistance, se sent elle-même enfermée par ce dispositif de contention. Mais elle l’aime, infiniment semble-t-il ; et la nuit, lorsqu’elle doit se rendre dans l’atelier d’où sort une chanson trop forte et que, impuissante à calmer son mari, elle s’assied derrière lui qui peint comme un possédé, on écoute avec elle, avec lui : « Mes amours, la vie n'est qu'une chimère/ Si l'amour n'y vient pas faire sa ronde d'oiseau géant », chante Jean Ferrat.

C’est vraiment beau. Le film excelle à nous faire sentir ces forces contraires, et sans jamais donner dans l’étude clinique ou le témoignage apitoyant. D’ailleurs, si la tension domine dans ce film, on rit également. Damien, l’intranquille en chef, qui demande à tout le monde de se calmer. Mieux : qui fait irruption dans la salle classe de son enfant, interrompt le cours pour distribuer des pâtisseries avec un enthousiasme de gamin, mais la barbe molle et le regard qui atteste d’un inquiétant survoltage.

Alexandre Vouilloz

Appréciations

Nom Notes
Alexandre Vouilloz 18