Rien à foutre

Affiche Rien à foutre
Réalisé par Emmanuel Marre, Julie Lecoustre
Titre original Rien à foutre
Pays de production France, Belgique
Année 2020
Durée
Genre Comédie dramatique
Distributeur Outside the Box
Acteurs Adèle Exarchopoulos, Julie Sokolowski, Jean-Benoît Ugeux, Alexandre Perrier, Mara Taquin, Jonathon Sawdon
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 877

Critique

Cassandre (Adèle Exarchopoulos), 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Elle enchaîne les vols et les fêtes. Une existence sans attaches, et sans grande substance. Alors que la pression de sa compagnie redouble, on pourrait s’attendre à une réaction. Mais le déclic n’advient pas. On oscille entre le désespoir d’un propos irrésolu et le souhait que cette vacuité même puisse jouer le rôle de catalyseur de changement auprès de son public cible, à savoir la génération Y. Un film troublant.

 

De l’ubérisation du marché du travail à l’omniprésence des smartphones et des paradis artificiels pour mieux oublier la vacuité de l’existence… Il serait un peu (trop) facile de catégoriser le premier long-métrage d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre comme le portrait d’une génération désabusée, incarnée par Adèle Exarchopoulos, qui parvient à sublimer un propos nihiliste. « Rien à foutre » semble en apesanteur, sans ancrage dans un quotidien qui offre pourtant des possibilités de rébellion. L’on pense notamment à cette séquence de confrontation entre son équipe d’hôtesses de l’air et un syndicat, où le chacun pour soi triomphe, parce qu’il « faut bien bosser ». Et surtout ne pas se poser trop de questions. Cette attitude citoyenne passive est probablement vraisemblable, mais d’un accablement insupportable.


Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, couple de cinéastes, aiment plonger leurs comédiens dans le quotidien d’autres gens, laissant agir l’alchimie. Ici, Adèle Exarchopoulos donne la réplique à de véritables hôtesses et stewards. La photographie souligne, par des plans minimalistes, les interrogations existentielles de Cassandre. Car son aliénation, elle la ressent bien, mais elle l’anesthésie à grand renfort d’alcool, de nuits blanches et de rencontres virtuelles sans lendemain. La solitude est bien présente, les émotions à fleur de peau. Adèle Exarchopoulos campe magnifiquement bien ce rôle de jeune adulte complètement perdue dans un monde privilégiant l’artifice, où la représentation par écrans interposés devient l’espace d’une liberté fantasmée.


Si l’on a pu lire que ce long-métrage décrivait les dérives d’une jeunesse en mal de sens, il est triste de ne pas trouver une étincelle, même minime, comme synonyme de renouveau, de révolte. A force de se complaire dans l’indifférence, voire le relativisme absolu, on a envie de dire : et alors, quoi ?


« Rien à foutre » ressemble aux réseaux sociaux qui cadrent et rythment sa narration : une mise en scène bien léchée, pour mieux cacher l’absence de sens. Avec une histoire sur le fil du rasoir, oscillant entre le portrait d’une jeunesse précarisée et un historique familial brinquebalant, on espère du moins que ce film provoque un malaise, voire un sentiment de révolte face à tant d’absurdité. Un conseil en guise de conclusion : lisez Camuz.

Noémie Desarzens

Appréciations

Nom Notes
Noémie Desarzens 10