La Ruche

Affiche La Ruche
Réalisé par Blerta Basholli
Titre original Zgjoi
Pays de production Suisse, Macédoine, Albanie
Année 2021
Durée
Genre Drame
Distributeur Frenetic
Acteurs Yllka Gashi, Cun Lajci, Aurita Agushi, Kumrije Hoxha, Adriana Matoshi, Astrit Kabashi
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 876

Critique

Alors que le conflit en ex-Yougoslavie est terminé, des charniers recrachent des victimes de la guerre, rouvrant les blessures mal cicatrisées de leur famille rescapée. Basé sur un épisode sanglant de cette guerre, Hive dépeint le combat réel de Fahrije Hoti, et souligne, plus largement, la force de l’émancipation féminine.

Dans ce film, Blerta Basholli conjure les fantômes de la guerre et les carcans patriarcaux. Hive s’inspire de l’histoire de Fahrije Hoti (incarnée par Yllka Gashi, qui apparaît pour la première fois sur grand écran et qui a vécu la guerre au Kosovo), une Albanaise kosovare qui a signalé la disparition de son mari après un massacre perpétré par les forces serbes dans le village de Krusha e Madhe en mars 1999. Sa maison familiale ayant été incendiée pendant la guerre, elle est laissée seule pour s’occuper de deux jeunes enfants et de son beau-père, Haxhi (Çun Lajçi).

En tant que mère célibataire, Fahrije lutte pour maintenir la tête hors de l’eau. Le seul lien qui lui reste avec son mari porté disparu, ce sont ses ruches. Les séquences avec les abeilles sont donc particulièrement significatives. Mais ces dernières ne produisent pas assez de miel pour subvenir aux besoins de la famille. Isolée dans un village, elle se décide alors à passer son permis de conduire, un geste hérétique pour ces villageois très conservateurs. Son émancipation créera des remous au sein du village. Elle ne se décourage pas pour autant, malgré les insultes et les menaces. Elle tente de convaincre ses voisines, dont les maris sont eux aussi portés disparus ou décédés à la guerre, de gagner leur vie grâce à la vente d’ajvar, un condiment traditionnel à base de poivrons.

Un récit personnel devient un film émancipateur. La réalisatrice entend l’histoire d’une mère de famille, Fahrije Hoti, dans une émission de télévision kosovare en 2011. Elle ressent le besoin de rencontrer cette femme. Plusieurs voyages et discussions plus tard, la réalisatrice conclut Hive, son premier long métrage. Un hommage à la force des femmes, survivantes à plusieurs égards.

Hive est ainsi un récit classique d’une femme luttant envers et contre tout pour le bien de sa famille. Cette narration est inhabituellement silencieuse, avec une caméra au plus près du visage de sa protagoniste. Une manière de distinguer au mieux les émotions sur ce visage fermé. Car il s’agit d’un univers de taiseux. Un monde de silence, où chaque existence se vit en parallèle les unes des autres, sans réelle confrontation, si ce n’est les occasionnels regards jugeants. Cela explique peut-être les gros plans sur ce visage: comme une tentative d’y déceler les émotions durement refoulées, gardées sous le couvercle du mutisme. Ce sont des visages qui parlent pour dire ce que le langage ne peut exprimer.

Fahrije se bat non seulement contre la pauvreté et l’incertitude (elle est empêchée dans son processus de deuil en l’absence de la dépouille de son mari), mais aussi contre des siècles de patriarcat dans les Balkans. Les séquences en voiture démontrent avec subtilité l'apprivoisement de son indépendance, son nouveau vecteur de mobilité sociale, et graduellement, sa lutte pour l’égalité.

Noémie Desarzens

Appréciations

Nom Notes
Noémie Desarzens 14